
Le Mali, le Niger et le Burkina Faso ont décidé de se retirer de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Certains Maliens applaudissent cette décision, d’autres pensent qu’il était bien possible pour les trois pays de rester au sein de l’organisation communautaire et former un bloc à travers la Confédération des Etats du Sahel (AES). Un bloc qui pourrait, dans le futur, être rejoint par d’autres Etats pour reformer l’organisation après sa gestion très critiquée des dossiers des trois pays après les coups d’Etat qu’ils ont connus.
Les trois Etats en période de transition et connaissant les mêmes défis sécuritaires ont décidé de créer l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui deviendra plus tard, la Confédération des Etats du Sahel. Dans le communiqué conjoint à travers lequel le Mali, le Burkina et le Niger ont annoncé leur retrait de la Cedeao le 28 janvier 2024, ils ont déploré qu’après 49 ans d’existence, leur organisation s’est éloignée des idéaux de ses pères fondateurs et du panafricanisme.
Selon les trois pays, sous l’influence de puissances étrangères et trahissant ses principes fondateurs, elle est devenue une menace pour ses Etats membres et ses populations dont elle est censée assurer le bonheur. Aussi, ils déplorent que l’organisation n’a pas porté assistance aux trois Etats dans le cadre de la lutte existentielle contre le terrorisme et l’insécurité. Et pire, lorsque ces pays ont décidé de prendre leur destin en main, elle a adopté une posture irrationnelle et inacceptable en imposant des « sanctions illégales, illégitimes, inhumaines et irresponsables en violation de ses propres textes », soutiennent les trois pays. C’est face à cette situation que les présidents Ibrahim Traoré, Assimi Goïta et Abdourahmane Tiani ont décidé du retrait de leurs pays de la Cedeao.
Depuis cette décision, l’organisation communautaire, à travers ses instances, multiplie les actions pour le maintien des trois Etats en son sein. Des changements sont aussi intervenus à la tête de certains pays de la Cedeao dont les dirigeants avaient validé les sanctions contre le Mali, le Burkina et le Niger. C’est le cas du Liberia où l’ex-star du football George Weah, élu président en 2017, a été battu à l’élection présidentielle en novembre 2023 par Joseph Boakai à qui il a cédé le pouvoir le 22 janvier 2024. Au Sénégal également, Bassirou Diomaye Faye a remplacé Macky Sall. Lui et son homologue togolais, Faure Gnassingbé, ont été mandatés pour mener les négociations pour trouver un terrain d’entente afin que le Mali, le Burkina Faso et le Niger reviennent sur leur décision. Aussi, l’ex-président ghanéen Nana Akufo-Addo qui assumait la présidence tournante de la conférence des chefs d’Etat au moment de la prise des sanctions contre le Mali a fini ses deux mandats. Il a été remplacé par un opposant en la personne de John Dramani Mahama qui a promis de donner une nouvelle direction à son pays. Egalement, il compte renforcer les relations de coopération entre le Ghana et les pays de l’AES.
En plus de cela, d’autres chefs d’Etat à l’image du président béninois Patrice Talon avaient plaidé pourla levée des sanctions contre le Mali, le Burkina et le Niger.
Dans la gestion des dossiers malien, burkinabè et nigérien, la Cedeao est accusée d’avoir pris des sanctions extrêmes et d’avoir été téléguidée par des puissances étrangères.
Malgré cette situation, après 49 ans d’existence, l’organisation à son actif, des succès significatifs en matière d’intégration. Le protocole sur la libre circulation des personnes, des biens et des services permet aux citoyens de séjourner dans n’importe quel État membre. Le fait que les habitants de l’Afrique de l’Ouest n’aient pas à se soucier de l’obtention d’un visa lorsqu’ils traversent les frontières de la région est une réussite majeure.
Selon l’ambassadeur Abdel-Fatau Musah, commissaire de la Cedeao pour les Affaires politiques, la paix et la sécurité, environ 10 millions de citoyens des pays de l’AES sont répartis dans la région. Pour lui, 4,5 millions de Burkinabè vivent en Côte-d’Ivoire. Si ces pays se retirent de l’organisation, le statut de leurs citoyens changera radicalement. Ils devront régulariser leur séjour et ceux qui ne pourront pas le faire devront retourner dans leurs pays.
Aussi, les trois pays sont enclavés. Ils auront besoin de débouchés vers la mer. Ce qui se fait aujourd’hui dans des conditions favorables dans le cadre de l’intégration régionale. Abdel-Fatau Musah prévient que si les trois Etats se retirent, ils devront trouver d’autres débouchés ou payer des frais de transport et des tarifs plus élevés.
A. Traoré