
Après le Mali, le Burkina Faso et le Niger, les groupes armés terroristes sont en train d’étendre leurs tentacules à d’autres pays de l’Afrique de l’Ouest dont certains ont déjà subi des attaques de leur part. L’inertie de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est mise en cause dans cette expansion du terrorisme à des pays de l’espace communautaire qui n’avaient pas encore connu cette situation contre laquelle, le Mali, le Burkina et le Niger luttent depuis plusieurs années.
Lors d’un sommet extraordinaire de la Cedeao élargie au Tchad et à la Mauritanie sur la lutte contre le terrorisme à Ouagadougou en 2019, les chefs d’Etat s’étaient retrouvés pour réfléchir sur une approche concertée pour mieux affronter les menaces sécuritaires en Afrique de l’Ouest et au-delà.
Dans son discours, le président burkinabè de l’époque, Roch Marc Christian Kaboré avait prévenu que les menaces directes ou indirectes transcendent les frontières et désormais, aucun pays n’est à l’abri d’attaques terroristes. Selon lui, le constat après les attaques terroristes au Burkina, au Mali, au Niger, au Tchad, à Grand-Bassam en Côte-d’Ivoire et au Benin avec l’enlèvement de deux Français et l’assassinat d’un guide, est que les groupes terroristes étendent leur rayon d’action.
Au regard de la gravité de la situation et de sa complexité, le président Kaboré avait estimé que la coopération entre Etats ne se pose plus en termes de devoir de solidarité mais bien comme un impératif d’intérêt commun. A l’issue de ce sommet, la conférence des chefs d’Etat s’était dite préoccupée par l’expansion des attaques terroristes dans la région, affirmant l’impérieuse nécessité pour la Cedeao d’assurer le leadership de la lutte contre le terrorisme dans la région et de coordonner les multiples initiatives multinationales dans ce sens en Afrique de l’Ouest.
Promesse sans lendemain
La conférence des chefs d’Etat avait également adopté un plan d’action prioritaire sur la période 2020-2024 articulé autour de huit axes portant, entre autres, sur la mutualisation des efforts et la coordination de l’initiative de lutte contre le terrorisme, le renforcement des actions menées par la force conjointe du G5 Sahel et par la force multinationale mixte du Bassin du Lac Tchad ainsi que l’initiative d’Accra, le principe d’une implication de la force en attente de la Cedeao dans la lutte contre le terrorisme, le partage de renseignements au niveau des Etats, la numérisation des données criminelles, judiciaires et administratives, la création de système automatisé d’identification des empreintes digitales, la mise en place d’un système sécurisé de transmission de données. La conférence avait exhorté les Etats membres à former, entrainer et équiper de manière adéquate, les services étatiques impliqués dans la prévention et la lutte contre le terrorisme notamment les forces de défense et de sécurité, les cadres de l’administration judiciaire et les ministères de l’Economie et des Finances.
Il s’agissait aussi du renforcement de la gestion et du contrôle sécuritaire aux frontières terrestres, aériennes, maritimes et fluviales, la production et l’utilisation de la carte d’identité biométrique de la Cedeao afin de concilier le principe de libre circulation des personnes et leurs biens avec les impératifs de sécurité, l’adoption par les Etats d’un cadre juridique pertinent devant faciliter le droit de poursuite ainsi que l’entraide judicaire dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, le renforcement de la sécurité des stocks d’armes et de munitions, l’informatisation de la gestion des stocks, l’opérationnalisation et l’informatisation d’un fichier national des détenteurs d’armes et des fabricants locaux d’armes. En plus, la conférence avait décidé de contribuer financièrement et de manière urgente aux efforts communautaires de lutte contre le terrorisme. A cet effet, la décision avait été prise de mobiliser 1 milliard de dollar (plus de 500 milliards de F CFA) en invitant la Mauritanie et le Tchad à se joindre aux initiatives de financement de la Cedeao en vue d’actions opérationnelles conjointes.
L’une des raisons évoquées par le Mali, le Burkina et le Niger pour leur décision de retrait de la Cedeao est le fait que l’organisation n’a pas porté assistance aux trois Etats dans le cadre de la lutte existentielle contre le terrorisme et l’insécurité.
Face à l’inertie de cette organisation, la menace terroriste est en train de se répandre en Afrique de l’Ouest. C’est le cas du Benin qui a connu ces dernières années des attaques terroristes. Les autorités béninoises ont fait état en avril 2023, d’une vingtaine d’incursions transfrontalières depuis 2021. Elles sont attribuées à des combattants djihadistes des groupes état islamique et d’Al-Qaïda venus des pays voisins où ils sont actifs. Le 8 janvier dernier, les groupes armés terroristes ont lancé une attaque qui a couté la vie à au moins 28 soldats béninois dans le Nord du pays, à la frontière avec le Niger et le Burkina Faso. Cette attaque intervient un mois seulement après celle survenue en décembre 2024 et qui a enregistré la perte de trois soldats dans le Nord du Bénin. Un groupe djihadiste affilié à Al-Qaïda avait revendiqué cette attaque. Auparavant en 2020, des djihadistes présumés avaient tué 14 soldats dans la ville frontalière de Kafolo en Côte-d’Ivoire.
Depuis leurs bases au Mali, au Burkina et au Niger, les groupes djihadistes du Sahel seraient en train de se déplacer en direction d’autres pays d’Afrique de l’Ouest. Il est donc grand temps que la Cedeao sorte de son inertie pour s’attaquer à la menace terroriste avant qu’il ne soit trop tard.
A. Traoré