
Le Président de la Transition, le Général d’armée Assimi Goïta a reçu en audience le vendredi 21 février dernier, Constant Mutamba Tungunga, ministre d’État, ministre de la Justice et Garde des Sceaux de la République Démocratique du Congo (RDC), porteur de message de son Président Félix Tshisékédi.
Le ministre Constant Mutamba Tungunga était accompagné pour la circonstance par Christophe Muzunga, ambassadeur de la RDC au Mali, résidant à Dakar. C’était en présence du chef de la diplomatie malienne, Abdoulaye Diop.
Même si beaucoup de détails n’ont pas été donnés sur cette visite à l’issue de l’audience que le Président Assimi Goïta lui a accordée, l’envoyé spécial du Président Felix Tshisékédi a toutefois expliqué que son déplacement à Bamako s’inscrit dans le cadre de la situation dans le Nord de la République Démocratique du Congo.
Malgré l’éloignement géographique, le Mali et la RDC entretiennent des relations diplomatiques fondées sur des liens historiques, culturels et politiques. Aussi, une forte communauté malienne se trouve dans ce pays. Actuellement, la situation sécuritaire dans ce pays est instable. Les combats entre les forces gouvernementales et les groupes rebelles se sont intensifiés. Les groupes rebelles ont pris le contrôle des villes de Goma et Bukavu, y compris l’aéroport de Kavumu.
Dr Aly Tounkara, expert sur les questions de défense et de sécurité au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) nous a livré son analyse sur cette visite. Il a rappelé que le Mali qui traverse une crise multidimensionnelle a connu dans un passé récent, des situations très complexes notamment la perte d’une bonne partie de son territoire qui était à la fois entre les mains des groupes sécessionnistes et des groupes radicaux. Selon le chercheur, la communauté internationale, des acteurs nationaux, sous-régionaux et internationaux étaient tous à son chevet. Mais en dépit de cette présence plurielle et numérique des acteurs, le Mali a finalement pu avoir le bout du tunnel seul.
« Il s’agirait pour les autorités congolaises de voir comment s’inspirer des trajectoires récentes empruntées par le Mali afin de juguler la crise qui sévit à Kivu au Congo », a expliqué Dr Aly Tounkara. D’après lui, il s’agit par ricochet de s’inspirer du modèle de partenariat que le Mali a su établir avec des pays comme la Russie et la Turquie. L’expert du CE3S pense aussi que ce déplacement du ministre congolais de la Justice à Bamako est une visite d’apprentissage de bonnes pratiques auprès du Mali. Une visite qui, selon lui, pourrait être une sorte de boussole pour le Congo dans sa probable redéfinition de son partenariat et d’élaboration de stratégies de reconquête des parties du territoire aujourd’hui entre les mains du M23 soutenu par des acteurs outre que nationaux.
Malgré cette situation, Dr Aly Tounkara pense qu’il est hasardeux à ce stade de penser que le Congo pourrait demander l’appui militaire du Mali pour reconquérir les parties de son territoire qui sont entre les mains du M23. Il soutient qu’il s’agira plutôt pour le pays de Felix Tshisékédi de s’inspirer du modèle malien en termes d’autonomisation, de redéfinition du partenariat, de formation et d’équipement des hommes dans un laps de temps. « Ce sont aujourd’hui des éléments qui manquent cruellement à l’armée congolaise où le moral n’est pas au top, l’armée étant déchirée et déstructurée comme le Mali l’avait connu dans un passé récent », a souligné Dr Tounkara, qui dira que les autorités actuelles du Mali sont parvenues à redorer l’image de l’armée, à faire en sorte que les différentes parties du territoire qui étaient entre les mains des groupes radicaux violents et des indépendantistes puissent évoluer sous le dictat de l’Etat. Le chercheur estime que ce sont ces partages d’expérience qui pourraient expliquer la visite du ministre congolais de la Justice au Mali.
F. Sissoko