Par ses agissements sur le terrain à travers la Force Barkhane, la France se retrouve aujourd’hui prise à son propre piège dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.
Accueillie en héros suite à son intervention en janvier 2013 pour stopper l’incursion des djihadistes du nord vers le sud du pays, la France est aujourd’hui perçue par bon nombre de Maliens comme une force d’occupation à cause de sa façon de faire : actions unilatérales, des opérations menées sans associer l’armée malienne qu’elle est pourtant venue épauler dans la lutte contre le terrorisme. Ce qui a créé un sentiment anti-présence militaire française au sein de la population manifesté à plusieurs occasions par des rassemblements pour demander le départ de la France. Les populations d’autres pays du Sahel ont fait la même demande. Agacé par cette situation, le président français Emmanuel Macron a, en janvier 2020, invité les chefs d’Etat du Sahel pour un sommet de la « clarification » à Pau en France. « J’attends d’eux qu’ils clarifient et formalisent leur demande à l’égard de la France et de la communauté internationale. Souhaitent-ils notre présence ? Ont-ils besoin de nous ? Je veux des réponses claires et assumées sur ces questions », avait indiqué le président Macron à l’adresse de ses pairs du Sahel. Après avoir brandi la menace d’un retrait des troupes françaises du Mali suite à la démission du président Bah N’Daw, l’état-major français va suspendre les opérations conjointes entre les troupes françaises et l’armée malienne. Ensuite, le président Macron a annoncé, de façon unilatérale, la fin de l’opération Barkhane et la réorganisation du dispositif militaire français au Sahel.
Face à cette situation, les autorités maliennes ont exprimé leur volonté de diversifier les partenaires dans la lutte anti-terroriste. Après que des rumeurs aient circulé sur un probable recours au groupe russe Wagner, la France a de nouveau brandi la menace d’un retrait de ses troupes du Mali. Devant la commission des Affaires Etrangères de l’Assemblée nationale française, le chef de la diplomatie Jean-Yves Le Drian avait averti que « une implication de la société privée russe Wagner au Mali serait incompatible avec le maintien d’une force française ». Aussi, la ministre des Armées Florence Parly avait indiqué que « si les autorités maliennes devaient contractualiser avec la société Wagner, ce serait extrêmement préoccupant, contradictoire et incohérent avec l’action de la France au Sahel ». Après des verbiages diplomatiques, Florence Parly s’est finalement transportée à Bamako où elle a annoncé le maintien de la présence militaire française au Mali. Cependant, cette annonce n’a pas réussi à dissiper la ‘’tension’’ entre Bamako et Paris.
A la tribune des Nations unies le 25 septembre dernier, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a indiqué que depuis mars 2012, la situation du Mali ne s’est guère améliorée, malgré le soutien international, la présence d’une opération de paix et des forces internationales. Selon lui, la situation continue progressivement de se détériorer au point que des pans entiers du territoire national échappent au contrôle du gouvernement. Il regrette que ce soit dans ce contexte que l’opération Barkhane amorce subitement son retrait en vue, dit-on, d’une transformation en coalition internationale dont tous les contours ne sont pas encore connus.
« L’annonce unilatérale du retrait de Barkhane et sa transformation n’ont pas tenu compte du lien tripartite qui nous lie en tant que partenaires engagés avec la France sur le front de la lutte contre les facteurs de déstabilisation », a dénoncé le Premier ministre, ajoutant que le Mali regrette que le principe de consultation et de concertation qui doit être la règle entre partenaires privilégiés n’ait pas été observé en amont de la décision du gouvernement français. « La nouvelle situation née de la fin de l’opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, le conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autre partenaires… », a insisté le Premier ministre. Face aux agissements de la France, les autorités maliennes sont donc déterminées à diversifier leurs partenaires dans la lutte contre le terrorisme. La France est ainsi en train de payer les erreurs stratégiques qu’elles a commises au Mali.
G. Diarra