Rapport du Vérificateur général : la Primature épinglée pour des irrégularités financières de plus de 2 milliards de FCFA

Le rapport couvrant la période de 2021 à novembre 2024, révèle des irrégularités financières massives au sein de la Primature, totalisant 2,068 milliards de FCFA.

Le Bureau du vérificateur général, institution indépendante chargée de contrôler les comptes publics, a scruté les dépenses de la Primature. Ce rapport, fruit d’une enquête approfondie, met en lumière des pratiques qui compromettent les efforts du Mali pour renforcer la gouvernance dans un contexte de défis économiques et politiques.

Au cœur des accusations figure l’utilisation abusive de 262,3 millions de FCFA destinés au filet social, un programme conçu pour offrir une aide rapide aux populations vulnérables. Selon le rapport, le directeur de cabinet du Premier ministre a ordonné, via des décisions de mandatement, des dépenses sans lien avec les objectifs du programme. Ces fonds ont servi à des achats de carburant et de produits alimentaires pour le cabinet, à la désinfection et à la dératisation du bâtiment de la Primature, ainsi qu’à des financements atypiques, comme le soutien au congrès de l’Union des Radios et Télévisions Libres du Mali ou le sponsoring de formations universitaires (Master et Doctorat). Le rapport souligne que ces dépenses n’ont eu aucun impact visible pour les couches vulnérables.

Le Vérificateur général épingle également des paiements irréguliers de 803,2 millions FCFA au titre des frais de représentation du Premier ministre, lors de missions nationales et internationales. Ces fonds, gérés par la direction administrative et financière (DAF) de la Primature, provenaient d’avances de trésorerie demandées au ministre des Finances. Le payeur général du Trésor émettait des chèques pour le régisseur spécial de la Primature, qui effectuait ensuite des paiements pour des dépenses non conformes, en complément ou en remplacement des frais d’hébergement, de nourriture et de déplacement. Ces avances étaient ensuite régularisées frauduleusement en les imputant sur des budgets de transport, une pratique qualifiée d’irrégulière par les auditeurs.

Le rapport du Vérificateur général révèle des irrégularités majeures dans la gestion des marchés publics au sein de la Primature, totalisant des centaines de millions de FCFA. Des contrats de 126,6 millions FCFA ont été reconduits illégalement, sans respecter les procédures. Des retards dans l’exécution de marchés, représentant un manque à gagner de 1,5 million FCFA, n’ont pas été sanctionnés. Un soumissionnaire en conflit d’intérêt a obtenu un marché de 33,2 millions FCFA, tandis que des entreprises ont décroché des contrats de 444,6 millions FCFA grâce à de fausses preuves d’expérience. Enfin, des travaux incomplets, d’une valeur de 3,3 millions FCFA, ont été validés sans contrôle rigoureux. Le rapport met également en cause l’opacité dans la gestion de fonds alloués à la communication et aux missions. Une convention de maîtrise d’ouvrage déléguée a été signée en 2021 pour des activités sociales, prévoyait 45,8 millions FCFA pour des campagnes de communication. Ces fonds, gérés par la DAF de la Primature et partiellement versés par l’AGETIER-Mali (26,3 millions FCFA en décembre 2022), n’ont fait l’objet d’aucune justification. De même, 10,7 millions FCFA de dépenses liées à des missions officielles restent sans pièces justificatives, renforçant les soupçons de mauvaise gestion.

Face à l’ampleur de ces manquements, le Bureau du Vérificateur général a saisi le président de la Section des Comptes de la Cour suprême et le procureur du Pôle national économique et financier. Cette démarche, qui pourrait déboucher sur des enquêtes judiciaires, vise à établir les responsabilités et à sanctionner les éventuelles malversations. Les accusations portent non seulement sur les dépenses injustifiées, mais aussi sur des pratiques systémiques qui fragilisent la confiance dans les institutions publiques.

A. Traoré