Dans un entretien qu’il nous a accordé, le Père Joseph Tanden Diarra, enseignant à l’Université Catholique de l’Afrique de l’Ouest-Unité Universitaire à Bamako (UCAO-UUBa), fait l’historique du cours d’éducation aux valeurs. Il explique aussi ce qui l’a conduit à cette initiative qui a aujourd’hui fait tache d’huile.
Joseph Tanden Diarra est un prête de l’église catholique qui aura consacré toute sa vie à l’enseignement. Il a suivi une formation en histoire et en anthropologie. Il dit avoir eu la chance de lancer l’UCAO-UUBa dans les années 2006-2007 à Bamako. Après cela, il a également eu la chance de diriger une unité universitaire à Bobo-Dioulasso au Burkina-Faso. A partir de 2015, il a été nommé Recteur de l’UCAO avec résidence à Ouagadougou, un poste qu’il a occupé jusqu’en 2020. Avant de demander à partir à la retraite.
Le Père Joseph Tanden Diarra a précisé que c’est lui l’initiateur du cours d’éducation aux valeurs. Il se rappelle qu’en octobre-novembre 2006, les évêques lui ont demandé de venir pour l’ouverture de l’UCAO à Bamako. Selon lui, le lieu était délabré et abandonné. Donc, il fallait voir comment refaire les bâtiments pour qu’ils puissent répondre aux normes académiques qui puissent accueillir les étudiants et les enseignants. En même temps, il avait commencé à réfléchir à comment différencier cette université d’une université publique. D’après lui, en termes de formation scientifique, c’est la même chose mais il fallait créer la différence en termes de formation humaine. C’est ainsi qu’il s’est rappelé que dans nos institutions d’éducation, il y a l’ECM (Education Civique et Morale) qui n’était plus enseignée dans beaucoup d’écoles. Donc, il s’est dit qu’il pourrait remettre cela au niveau universitaire, mais en évitant les vieux concepts de civisme et de morale. Le Père Joseph Tanden Diarra dit avoir pensé à l’éducation aux valeurs. Il a estimé qu’il est possible de créer un cours de toutes pièces en éducation aux valeurs. Avant de réfléchir sur la sémantique du concept de valeur. C’est ainsi qu’il a commencé à écrire des modules pour la discipline éducation aux valeurs. Et c’est comme ça que c’est arrivé.
Pour Père Joseph Tanden Diarra, au début, les étudiants avaient pensé que c’était encore un cours d’éducation civique et morale. « Moi je ne l’ai jamais enseigné comme un cours systématique, c’est vraiment un cours très interactif puisqu’il nous interroge profondément sur nous-mêmes, la société, les personnes avec lesquelles nous vivons », explique-t-il. Avant d’ajouter que ce sont les étudiants qui réfléchissent et lui il vient avec des interrogations et les fait réfléchir sur ces questions. Selon lui, c’est un cours interactif et non une sorte de cours magistrale, mais un cours où l’on construit tout ensemble. Il soutient qu’il a énormément appris avec les étudiants à travers ce cours-là.
D’après lui, quand il est revenu en 2020 au Mali après ses mandats au Rectorat de l’UCAO du Burkina-Faso, il dit avoir vu qu’il y avait une tentative de réflexion autour de l’éducation aux valeurs. « Il y a des gens que je connais qui m’ont dit, Mon Père, on est en train de plagier ton idée d’éducation aux valeurs à l’UCAO. Est-ce que tu es au courant ? J’ai dit non, l’éducation aux valeurs n’est pas réservée à l’UCAO seulement, c’est quelque chose qui est réservé à l’humanité. Et si la transition pense quelque part qu’il y a un problème de valeurs au Mali, je crois que c’est une bonne chose, car c’est quelque chose que nous avions remarqué aussi quand nous lancions ce cours », a témoigné le Père Joseph Tanden Diarra. Il s’est dit heureux de constater que son initiative a fait tache d’huile.
Il se souvient qu’à son retour au Mali en 2020, les autorités de la transition avaient déjà commencé leur réflexion sur le programme d’éducation aux valeurs à tous les niveaux d’enseignement. Selon lui, des gens leur auraient parlé de l’initiative qui avait germé à l’UCAO. Elles sont venues chercher quelqu’un à l’UCAO alors que lui il était toujours au Burkina-Faso. Et quand il est revenu, il y a au moins une rencontre à laquelle il été invité pour un panel. Après cela, il a été orienté dans l’équipe de rédaction de la Charte d’éthique et des valeurs du Mali. Le Père Joseph Tanden Diarra dit avoir travaillé avec ce groupe pendant des mois et après, il a vu que ça piétinait. Cela a coïncidé avec son retour à San. Il a donc décidé d’arrêter alors qu’ils avaient déjà fini le gros du travail.
« Les étudiants pendant le cours d’éducation aux valeurs doivent savoir que je les aimais beaucoup. J’ai eu beaucoup de retour de nos étudiants qui sont maintenant dans les institutions nationales ou internationales qui réussissent bien, qui sont très bien appréciés et qui m’appellent pour me dire Mon Père, je n’avais pas compris quand j’étais à l’UCAO. Mais aujourd’hui, je me rends compte que vous avez fait énormément de bien pour nous. C’est ça la joie de l’éducateur », se réjouit Père Joseph Tanden Diarra.
Il est heureux que son initiative ait porté fruit. Car beaucoup de sortants de l’UCAO passent aujourd’hui les concours ou les tests haut la main. Et les fruits de l’UCAO sont très appréciés pas seulement pour leurs compétences scientifiques, mais aussi pour le fait qu’ils ont un statut humain, moral et civique.
Propos recueillis par Fily Sissoko