Après l’attaque terroriste qui a visé le bateau Tombouctou de la Comanav la semaine dernière et qui a couté la vie à plus d’une soixantaine de personnes, il y a eu de nombreux messages de condamnation et de compassion à travers le monde. Pendant ce temps, le ministre français des Armées Sébastien Lecornu a, dans un tweet le lendemain, posté un message qui frise la raillerie vis-à-vis du Mali. « Deux attaques terroristes ont ensanglanté le Mali hier. Elles ont déjà fait 64 morts. Une autre attaque a eu lieu aujourd’hui à Gao. J’adresse mes sincères condoléances au peuple malien. Un foyer terroriste majeur se reconstitue au Sahel depuis la fin de l’opération Barkhane ». Avec ce message, le ministre français veut clairement dire que ces attaques sont la conséquence du départ de la force française Barkhane du Mali. Sa réaction va dans le même sens qu’une récente déclaration du président Emmanuel Macron qui disait que sans les opérations Serval puis Barkhane, il n’y aurait, sans doute, plus de Mali et de Burkina Faso et peut-être même plus de Niger.
En 2013, c’est vrai que la France est intervenue au Mali pour stopper l’avancée des terroristes vers le sud du pays à la demande des autorités maliennes. Mais ce que Sébastien Lecornu doit savoir, c’est que l’opération Serval a été menée avec l’Armée malienne dont les éléments étaient en première ligne. Cette opération menée ensemble a permis de libérer les régions de Gao et Tombouctou qui étaient sous occupation des terroristes qui infligeaient toutes sortes de pratiques aux populations. Il oublie que les Maliens ont commencé à douter de la sincérité de la France depuis le jour où, après avoir libéré ensemble les régions de Gao et Tombouctou, l’Armée malienne a été bloquée et empêchée d’entrer à Kidal qui est devenu le bastion des rebelles et leurs complices terroristes. Certains des jeunes officiers qui ont pris part à cette opération sont aujourd’hui aux affaires parmi ceux-ci le Colonel Assimi Goïta, aujourd’hui président de la Transition. D’autres noms aussi sont très connus des populations de ces régions pour les actes de bravoure qu’ils ont posés dans le cadre de la libération des régions du nord notamment le Colonel-major Abbas Dembélé, le Général Didier Dakouo, le Général Kéba Sangaré, le Colonel Nèma Sagara, etc. Une fois que l’Armée malienne a été empêchée d’entrer à Kidal, cela a permis aux rebelles et leurs alliés terroristes de se réorganiser sous le regard complice de la France.
Une partie du problème
Les relations entre la France et le Mali se sont détériorées après le coup d’Etat qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta le 18 août 2020. En début juin 2021, les forces françaises ont suspendu leurs opérations conjointes avec l’Armée malienne. Le 25 septembre, à la tribune des Nations unies, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a qualifié l’attitude de la France d’abandon en plein vol. La tension s’est poursuivie avec l’expulsion de l’ambassadeur de France et la demande faite par Bamako d’un retrait sans délai des troupes françaises du sol malien. Ensuite, le 2 mai 2022, le Mali a rompu les accords de défense avec la France.
Par la suite, le gouvernement du Mali a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU une réunion d’urgence car disposant de plusieurs éléments de preuve des violations flagrantes de l’espace aérien malien qui ont servi à la France pour collecter des renseignements au profit des groupes terroristes opérant dans le Sahel et pour leur larguer des armes et des munitions. Cette réunion maintes fois demandée par le Mali n’a toujours pas eu lieu.
Comme le Mali, le Burkina Faso a aussi demandé le départ de la force française Sabre. Le pays des hommes intègres a également dénoncé l’accord d’assistance militaire technique conclu à Paris le 24 avril 1961 entre la République de Haute Volta et la République française y compris ses deux annexes. Le Burkina Faso a même indiqué que la France fait partie du problème sécuritaire qui le pays touche depuis huit ans. A la suite du Burkina Faso, le Niger aussi a dénoncé les accords militaires avec la France. Et les populations demandent le départ de la force française présente sur le sol nigérien. A la lumière de tout cela, Sébastien Lecornu doit se convaincre que si la présence militaire française avait servi à quelque chose au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les nouvelles autorités de ces pays n’allaient pas dénoncer les accords de coopération militaires qui liaient ces Etats à la France. Aussi, ces pays n’allaient pas se tourner vers d’autres partenaires dans le cadre de la lutte contre le terrorisme en l’occurrence la Russie, la Turquie, la Chine, etc.
Moussa Traoré