Accord pour la paix et la réconciliation: Dans le déni de l’évidence

Dans les lignes qui suivent, Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S) livre son analyse sur la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation signé au Mali en 2015.

Selon Dr Tounkara, de son accession à l’indépendance en 1960 à nos jours, le Mali a enregistré des conflits de natures diverses (conflits locaux, politiques, sociaux, etc.), des rébellions récurrentes dans l’Adrar (1963, 1990 et 2012), des conflits au Centre du pays qui ont certes toujours été couronnés par des accords, très souvent peu partagés et partiellement mis en œuvre. Au regard de la situation, il estime qu’il est  important de s’interroger sur les points qui fâchent, les pommes de discorde qui opposent les parties prenantes et qui ont pour noms : le refus de la branche armée de la Coordination des Mouvements de l’Azawad (CMA) d’entendre parler de désarmement et de mise à disposition des armes lourdes et armes de guerre, la situation de l’Armée reconstituée présente à Kidal mais non fonctionnelle (cantonnée et sécurisée par les contingents tchadien et guinéen, elle a quelques actions mineures d’entraînement avec les éléments de la CMA), la difficulté à asseoir une paix durable en mettant  les groupes radicaux violents, avec le référentiel islamiste extrémiste, sur la touche.  D’après le chercheur, il est aujourd’hui difficile de cerner la duplicité des entrepreneurs de la violence/terreur car selon lui, « aucune analyse sérieuse ne peut permettre de différencier les différents groupes car ils interagissent et sont même liés par le sang ». Pour  le directeur du  CE3S,  il y a un maillage du territoire en cours par le Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans (GNIM) et l’État Islamique (EIGS) suivant une logique d’affrontement et d’évitement mais avec une finalité commune : faire disparaître l’État malien qui s’éloigne de plus en plus d’un processus éventuel de dialogue. A cela s’ajoute la difficulté à intégrer quelques 26.000 ex-combattants déclarés par les mouvements rebelles. Dr Tounkara se demande de qui on se moque car selon lui, les registres tenus par les mouvements armés signataires et non signataires de l’Accord pour la paix signé en 2015 ne reflètent aucunement les chiffres communiqués. En plus de ces difficultés, le chercheur souligne l’instabilité des institutions de la République marquée par des coups d’État et changements intempestifs de gouvernements, le manque d’actions de paix engagées dans la durée et l’éternel recommencement. Mais aussi, l’auto-enferment de la Communauté internationale prise à son propre piège. Le chercheur souligne la peur de cette Communauté  d’être étiquetée d’ingérence, les actions de développement en cours dans la région de Kidal se faisant sous le diktat de la branche armée de la CMA. Avant d’évoquer la situation de l’Algérie qui, selon lui, est plus engagée dans son repositionnement géopolitique que dans la résolution de la crise malienne. Ce n’est pas tout.  Il  pointe du doigt aussi la non clarté de l’intention de l’élite militaire et politique au pouvoir sur l’horizon politique à suivre. Dr Aly Tounkara se demande si les officiers supérieurs au pouvoir sont seulement soucieux de la sécurisation du pays. Il se demande également s’ils n’ont pas un agenda politique qui avance de plus en plus à visage découvert. Une autre difficulté  et pas des moindres qu’il met en avant est le déphasage des contextes et des circonstances qui ont prévalu à la signature de cet Accord avec le changement d’acteurs, la menace métastasée, les conflits communautaires, etc.  Malgré tout cela, le directeur du CE3S pense que  l’Accord reste l’unique document qui lie les parties en présence. Pour  lui, son rejet catégorique n’aide pas à avancer et  aujourd’hui, les conditions de sa relecture sont quasiment impossibles.  

La Nouvelle Voie du Mali