En effet, le conseil des ministres du mercredi 5 octobre a adopté un projet de loi portant militarisation de la Police nationale et de la Protection civile.
Pour Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des Etudes Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S), c’est un coup de semonce sur la tête des policiers. Selon lui, l’adoption de ce projet de texte portant militarisation de la police a eu lieu au lendemain du 04 octobre (Journée de la Police) et après les renouvellements des bureaux de syndicat des officiers et des commissaires de police. D’après le chercheur, le sentiment partagé par beaucoup de policiers est que la démarche n’a pas été inclusive et démocratique. Toutefois, il dira que l’argumentaire sécuritaire et les attentes de certains Maliens lors des Assises Nationales de la Refondation expliquent ce choix. L’expert Défense et Sécurité au CE3S soutient qu’il est reproché à la Police nationale la prolifération du nombre de syndicats (14 syndicats actifs), l’accentuation des attitudes peu orthodoxes. Selon lui, les modalités d’application de cette militarisation sont attendues par les concernés d’abord. L’expert évoque des questions auxquelles, il faut apporter des réponses. Il demande comment rester aussi proche de la population et agir en militaire ? Comment rompre avec des pratiques malsaines vieilles et érigées en mode d’opération à certains égards par la hiérarchie-elle-même ? La militarisation est-elle un gage suffisant pour plus d’éthique et de morale chez l’agent de Police ? Comment moraliser les irrégularités et la mafia qui entacheraient le processus de recrutement dans ce corps et comment convaincre les partenaires au développement de continuer à soutenir la Police et la Protection civile en termes de formation et d’équipement en dépit de leur militarisation ?
Dr Aly Tounkara fait remarquer que la militarisation de la Police nationale et de la Protection civile pourrait être perçue comme un soutien aux efforts de sécurisation des personnes et de leurs biens dans les zones de conflits. « Elle contribuerait aussi à faciliter le retour de l’administration et des services essentiels pour amorcer la stabilisation et le développement selon les concepteurs du présent projet », estime le chercheur, qui dira que cette militarisation mérite d’être encadrée pour réduire au maximum, les menaces à la liberté et aux droits fondamentaux. Selon lui, elle exige surtout de créer les conditions idoines de formation et l’équipement de ces forces dans leurs nouvelles missions. Pour Aly Tounkara, au niveau institutionnel, cette militarisation signifie également le regroupement du ministère de la Défense et Anciens Combattants et celui de la Sécurité et de la Protection civile en un seul département. Il pense que c’est un défi réel tant en termes d’apprentissage de vie commune entre policiers, sapeurs-pompiers et militaires. Mais également en termes de conception de documents de politique et autres programmes spécifiques. Un autre défi que le chercheur a signalé est la transposition des policiers dans les grades militaires.
S. Sidibé