Dans les lignes qui suivent, l’expert sur les questions de défense, de sécurité et de paix au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) livre son analyse sur le Dialogue inter-Maliens dont la phase finale prend fin ce vendredi.
Selon lui, lorsqu’on regarde la nature du dialogue, que ce soit au niveau communal ou régional, on se rend compte que beaucoup d’acteurs y ont pris part. Toutefois, Dr Aly Tounkara a rappelé que beaucoup d’acteurs politiques influents ont clairement annoncé leur refus de prendre part à ce dialogue après la suspension des activités des partis politiques. Pour lui, cela pousse à des interrogations sur le caractère inclusif d’une telle offre de dialogue. « Au-delà du caractère inclusif, l’élément le plus marquant dans ce dialogue est le fait que les entrepreneurs de la violence qu’ils soient avec Al-Qaeda, l’état islamique, les hommes de Hamadoun Kouffa, même les milices d’auto-défense n’ont pas été suffisamment associés même si quelques groupes d’auto-défense y ont pris part pour le cas du Centre du Mali », analyse Dr Aly Tounkara. Pour lui, les vrais acteurs de la terreur qui sont les groupes radicaux violents avec le référentiel musulman n’ont pas été associés à cette partie du dialogue. Il dira que l’inclusivité dont le dialogue entendait bénéficier n’est pas au rendez-vous au regard de la suspension des activités des partis politiques et de l’exclusion des vrais entrepreneurs de la violence qui sont les groupes radicaux violents.
« Lorsqu’on regarde ce dialogue du point de vue analytique, l’objectif initial à son annonce par le président de la Transition et les termes de référence, au regard des conclusions ou recommandations préliminaires en lien avec la prorogation de la transition, la ruée vers la candidature du président Assimi Goïta, ce sont des éléments qui ont falsifié et même détourné l’esprit du dialogue », analyse le chercheur. D’où, selon lui, des interrogations légitimes sur les finalités réellement recherchées par ce dialogue inter-Maliens. Il se demande si les autorités au pouvoir n’avaient pas un agenda qu’elles ont voulu légitimer à travers des pourparlers entre Maliens et à travers cette offre de dialogue.
Pour le chercheur, dire que ce dialogue pourrait permettre au Mali d’assister à un début d’accalmie, c’est de méconnaitre les dynamiques conflictuelles ou de négliger les acteurs engagés dans ces différents conflits. « Ça aurait été mieux que ce dialogue soit organisé de manière contextualisée et circonstanciée », dira l’expert du CE3S. Il explique que de manière contextualisée, il fallait prendre localité par localité, diagnostiquer les raisons profondes de l’insécurité ou du difficile vivre-ensemble et de là, proposer des recettes qui soient propres à ces terroirs en question ou à ces aires culturelles. De manière circonstanciée, il pense que quand on prend tous les entrepreneurs de la violence, qu’on soit avec Al-Qaeda, Hamadoun Kouffa, Iyad Ag Ghaly, les hommes de Saharaoui, les milices d’auto-défense ou même dans les conflits locaux, les offres doivent être corollaires de la typologie des conflits et du profil des acteurs. Mais au rythme de ce qu’il observe, Dr Tounkara craint que les conclusions qui vont être consignées dans le document final de ce dialogue soient génériques et ne tiennent pas compte des spécificités propres aux terroirs, aux dynamiques des conflits et du caractère hybride des acteurs de la violence.
S. Traoré