Du haut de la tribune des Nations unies à l’occasion de la 76ème session de l’Assemblée générale, le Premier ministre Dr Choguel Kokalla Maïga a dit tout haut ce que les Maliens pensent tout bas à propos de la présence militaire française et de la Minusma au Mali. La France qui s’est sentie blessée par ses propos n’a pas tardé à réagir.
Devant les dirigeants du monde entier, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a indiqué que depuis mars 2012, la situation du Mali ne s’est guère améliorée, malgré le soutien international et la présence d’une opération de paix de l’ONU et des forces internationales notamment l’opération française Barkhane, la Force européenne Takuba et la Force conjointe du G5 Sahel. Il a dénoncé la situation qui continue progressivement de se détériorer, au point que des pans entiers du territoire national échappent au contrôle du gouvernement. « Mes concitoyens vivent sous l’emprise des groupes armés terroristes dans le déni de leurs droits les plus élémentaires. Leur accès aux services de base demeure hypothétique en raison de la faible présence des services de l’Etat, consécutive à l’insécurité grandissante », a expliqué le Premier ministre. Selon lui, c’est dans ce contexte de menace préoccupante que l’armée française a été autorisée à mener, en soutien à la Minusma et aux Etats, le volet lutte contre le terrorisme au Mali. Le chef du gouvernement a déclaré que c’est dans le même contexte que l’opération Barkhane amorce subitement son retrait en vue, dit-on, d’une transformation en coalition internationale dont tous les contours ne sont pas encore connus. Dr Choguel Kokalla Maïga qui a dénoncé l’annonce unilatérale du retrait de Barkhane et sa transformation regrette aussi que le principe de consultation et de concertation qui doit être la règle entre partenaires privilégiés n’ait pas été observé en amont de la décision du gouvernement français.
« La nouvelle situation née de la fin de l’opération Barkhane, plaçant le Mali devant le fait accompli et l’exposant à une espèce d’abandon en plein vol, nous conduit à explorer les voies et moyens pour mieux assurer la sécurité de manière autonome ou avec d’autres partenaires, de manière à combler le vide que ne manquera pas de créer la fermeture de certaines emprises de Barkhane dans le nord de notre pays », a insisté Dr Choguel Kokalla Maïga. Après son discours, la réaction de la France ne s’est pas fait attendre.
Dans un communiqué du Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères, les autorités françaises ont déclaré qu’il est faux de dire qu’il s’agit d’une décision unilatérale de la France. Elles déclarent que l’adaptation du dispositif militaire français a fait l’objet de consultations avec les autorités sahéliennes et maliennes, notamment lors du sommet de N’Djamena en février 2021 et au cours de la visite de la ministre française des Armées à Bamako le 20 septembre dernier.
Selon le communiqué, il est aussi faux de parler d’un abandon car la transformation du dispositif militaire français ne constitue pas un départ du Mali. Le communique ajoute également qu’il est faux de dire que la France se retire sauf si l’objectif recherché est de justifier la venue de mercenaires russes de la société Wagner.
Dans le même sens, la ministre française des Armées a jugé ces accusations indécentes et inacceptables. En conférence de presse lundi devant les étudiants de Sciences Po, la ministre a qualifié d’hypocrisie, d’indécence et de mauvaise foi, la posture du Premier ministre du Mali. Avant d’indiquer qu’il s’est essuyé les pieds sur le sang des soldats français. De son côté, le président Emmanuel Macron s’est dit choqué par ces propos inacceptables, ajoutant que sans la France, le Mali serait entre les mains des terroristes.
Alors que le torchon brule entre les deux pays, le Premier ministre de retour de New-York n’a pas voulu faire de commentaire sur la réaction de la France à son discours. « Nous leur avons dit ce que nous pensons entre nous en tête-à-tête. Les discussions vont continuer aux niveaux les plus appropriés », s’est contenté de dire Choguel Maïga de retour à Bamako où il a été accueilli comme un héros.
A. Diallo