Crise au M5-RFP : La fin d’une ‘’alliance de circonstance’’ ?

Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP) est un regroupement politique formé à l’origine par Espoir MaliKura (EMK), le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) et la Coordination des mouvements, associations et sympathisants de l’Imam Mahmoud Dicko (CMAS). Créé en 2020, il sera rejoint par d’autres formations politiques et associations de la société civile avec comme dénominateur commun, le départ du président Ibrahim Boubacar Keïta du pouvoir.

Ce mouvement hétéroclite qui a organisé de nombreuses manifestations pour exiger la démission du président IBK est confronté à une division profonde depuis la prise du pouvoir par les militaires le 18 août 2020.

Le mouvement a connu sa plus grande déchirure après la démission du président de la Transition Bah N’Daw et du Premier ministre Moctar Ouane. En effet, après cette démission, le Colonel Asimi Goïta qui a pris le pouvoir, a annoncé son intention de confier le poste de Premier ministre au M5-RFP. Au sein du mouvement, la nomination de Choguel Kokalla Maïga comme Premier ministre n’a pas fait l’unanimité. Certains cadres n’ont pas hésité à dénoncer ouvertement cette nomination tout en indiquant que le processus n’a pas été consensuel. Aussi, d’autres ont critiqué l’attitude du président du comité stratégique vis-à-vis du mouvement après sa nomination à la Primature.

Ce n’est pas tout. La nouvelle casquette de Premier ministre de Choguel Kokalla Maïga et en même temps, président du comité stratégique du M5-RFP a suscité des contestations au sein du mouvement. Des sources proches dudit mouvement avaient même indiqué que des cadres comme Cheick Oumar Sissoko, Mme Sy Kadiatou Sow, Mohamed Aly Bathily, Konimba Sidibé, Modibo Sidibé et bien d’autres, auraient aimé voir Choguel Maïga se décharger de cette double casquette. Ajouté à cela, les nominations aux postes de ministres et au niveau de la Primature qui n’ont pas été du goût de certains cadres et fondateurs du M5-RFP. Ce qui a conduit à une division au sein du mouvement.

Le mercredi 3 août 2022, des cadres démissionnaires ont animé une conférence de presse à la Maison de la presse pour annoncer la création d’une nouvelle tendance dénommée M5-RFP Mali Kura. Cette tendance dont les leaders sont, entre autres, Cheick Oumar Sissoko, Konimba Sidibé, Modibo Sidibé, Mme Sy Kadiatou Sow, Me Mohamed Aly Bathily, dit ne plus reconnaitre le comité stratégique du M5-RFP, dirigé par Choguel Kokalla Maïga.

Après plusieurs mois de tensions internes, ils ont décidé donc de quitter le mouvement et lancer officiellement une nouvelle tendance. Ceux-ci ont soutenu que l’ancien comité stratégique a trahi les idéaux du mouvement pour se mettre à la solde d’une minorité. 

Après cette dissidence, le M5-RFP est aujourd’hui frappé par une nouvelle situation. Il s’agit d’une cacophonie née du fait que depuis le 22 février dernier, deux tendances se disputent la vice-présidence du mouvement. La nouvelle tendance portée par l’ancien ministre Oumarou Diarra réclame la vice- présidence. Et une autre tendance jugée proche du Premier ministre Choguel Kokalla Maïga et portée par Boubacar K. Traoré.

Cela fait suite à une déclaration signée par plusieurs formations politiques composant le M5-RFP déclarant l’ancien ministre, Oumarou Diarra comme vice-président par intérim. Face à cette situation, le vice-président évincé par ses camarades a publié un communiqué dans lequel, il annonce la suspension de certains camarades ayant pris part à l’Assemblée générale qui a abouti au choix de Oumaou Diarra comme vice-président intérimaire du M5-RFP.

En réaction, le Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) dit avoir vu sur les réseaux sociaux une déclaration de certains membres du comité stratégique du M5-RFP annonçant le remplacement du 1er vice-président en la personne de Boubacar K. Traoré par l’imam Oumarou Diarra.

Selon le FSD, à cette décision ont pris part certains membres qu’il n’a pas mandatés. Le FSD déplore cette attitude qui porte atteinte au crédit de son fonctionnement. En conséquence, il se désolidarise de cette déclaration et suspend jusqu’à nouvel ordre Mountaga Tall, président du CNID-FYT, Ibrahima Sylla de l’EDR et Paul Ismaël Boro, président du parti RAMA. Par ailleurs, le FSD a renouvelé son soutien indéfectible au président du comité stratégique Choguel Kokalla Maïga et au vice-président Boubacar K. Traoré.

Pendant ce temps, le comité stratégique du mouvement porté par Oumarou Diarra a déploré le communiqué puéril, enfantin et dérisoire du 22 février 2024 signé par l’ancien vice-président Bouba K. Traoré portant suspension de membres du comité stratégique du M5-RFP. Considérant qu’une majorité claire et incontestable s’est dégagée pour relever de ses fonctions l’ancien vice-président Bouba K. Traoré pour incompétence notoire  et à la demande expresse de son entité, et valider le bureau des jeunes dirigé par Ibrahima Traoré, le comité stratégique porté par Oumarou Diarra demande à Choguel Kokalla Maïga de sortir sans délai de son mutisme pour rassurer face aux graves accusations de manipulation qui pèsent sur lui et sur sa responsabilité éminente dans la situation actuelle. Cette crise au sein du M5-RFP montre la vraie nature de ce mouvement. Un regroupement de circonstance où chacun est arrivé avec son propre agenda.

A. Sanogo