Coalition civilo-militaire au pouvoir : Le point de non-retour franchi ?

Devant les membres de la tendance du M5-RFP qui lui est proche, venus lui présenter leurs vœux au lendemain de la fête de Tabaski, le Premier ministre Choguel Kokalla Maïga a indiqué que ce mouvement, auquel il doit d’ailleurs son poste, n’a de leçon à recevoir de personne en termes de patriotisme. Il a ajouté que Bouba Traoré et Kader Maïga actuellement en détention n’ont posé aucun acte contraire aux intérêts du Mali. Mieux, il a déclaré que personne ne peut dire qu’il y a un pont qui est faux dans le mémorandum pour lequel Bouba Traoré est détenu.

En disant cela, le Premier ministre, président du comité stratégique de cette tendance donne clairement son onction pour ce document qui apparait aux yeux de l’opinion et des observateurs de la scène politique comme une preuve de rupture de la coalition entre le M5-RFP et l’élite militaire au pouvoir depuis le 18 août 2020.

Pour rappel, à l’occasion des trois ans de la rectification de la trajectoire de la Transition avec la prise du pouvoir par le Colonel Asssimi Goïta, le M5-RFP (tendance poche du Premier ministre) a publié un mémorandum signé par son vice-président Bouba K. Traoré.

Le mouvement a parlé des résultats atteints dans le cadre du partenariat stratégique scellé entre les forces du changement civiles et militaires au soir du 24 mai 2021 à Kati sous la formule d’un compromis politique historique. Mais, il a aussi évoqué un relâchement des termes de ce pacte d’honneur. D’abord, la rupture du pacte initialement incarné par la formation du gouvernement de transition le 11 juin 2021 par le limogeage et le remplacement de presque tous les ministres du M5-RFP sans consultation ni proposition de Dr Choguel Kokalla Maïga en sa double qualité de Premier ministre et de président du M5-RFP.

Aussi, plusieurs questions majeures de la gestion gouvernementale qui ont été traitées sans y associer le chef du gouvernement notamment la finalisation de la réorganisation territoriale, la gestion de la crise énergétique, l’organisation de la campagne référendaire et du « meeting de la honte » du 8 juin 2023, le report des élections, etc.  Il en est de même pour ce qui concerne les discussions sur l’Alliance des Etats du Sahel (AES), des négociations sur certains dossiers à caractère économique et financier avec des partenaires stratégiques ainsi qu’avec des partenaires techniques et financiers du Mali.

Le mouvement déplore également que certaines pratiques de l’ancien système qui jurent avec les intérêts du peuple refont surface à travers des arrestations et détentions extrajudiciaires notamment de membres du M5-RFP, le retour progressif et l’infiltration rampante de ceux qui avaient observé une position neutre et de ceux qui avaient combattu ouvertement l’avènement du renouveau. D’après le mouvement, plusieurs pratiques qui sont inimaginables pour le Malien lamba pendant cette transition se manifestent de jour en jour. Et le M5-RFP ne peut et ne veut s’en rendre complice.

Le mouvement a par ailleurs indiqué que l’initiative du dialogue inter-Maliens devrait servir d’alternative à la fin de l’Accord issu du processus d’Alger en matière de paix et de réconciliation.  Mais la déclinaison de certaines recommandations tendancieuses a heurté l’opinion en ce qu’elles s’écartent des objectifs visés et qu’elles tombent dans le piège des pourfendeurs de cette initiative. Il s’agit de la prorogation de la durée de la transition, de l’élévation de six Colonels aux grades de Généraux et les négociations avec les chefs des groupes terroristes

Pour certains observateurs de la scène politique, la déclaration faite par le Premier ministre lors de la présentation de vœux des membres du M5-RFP qui lui sont proches est la preuve qu’il soutient ce mémorandum. Pour cet ancien militant du M5-RFP originel, aucune déclaration ou mémorandum du M5-RFP n’est rendue publique sans l’aval ou la validation de Choguel Koguel Kokalla. Pour cet homme politique qui a requis l’anonymat et qui dit bien connaitre Choguel Kokalla Maïga, en disant qu’il n’y a aucun point qui soit faux dans le mémorandum, il a ouvertement exprimé son soutien à son contenu qui reflète aussi ce qu’il pense. Cette prise de position du Premier ministre sur ce document est perçue comme un nouveau pallier franchi dans la rupture entre lui et le Colonel Assimi Goïta ainsi que les cinq autres Colonels.

Abdoul Sanogo