Le mardi 23 avril dernier, l’ancien Premier ministre Moussa Mara a reçu une délégation du comité de pilotage du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation nationale.
Au cours des discussions, l’ancien chef du gouvernement dit avoir fait part à la délégation conduite par Jean Bosco Konaré, de trois faiblesses majeures dans le processus de dialogue. Il s’agit de l’exclusion des principaux acteurs de l’insécurité du pays d’une part et des acteurs politiques d’autre part, de la volonté de traiter des sujets qui n’ont aucun lien avec la paix et la réconciliation, véritables objectifs du dialogue et le traitement des thèmes déjà abordés par les réunions de refondation et qui ont fait l’objet de recommandations en cours de mise en œuvre par les autorités. Pour Moussa Mara, ces faiblesses doivent être corrigées pour que ce dialogue contribue vraiment à la paix au Mali et à la réconciliation entre les Maliens.
Dans la note qu’il a rédigée sur ce dialogue, l’ancien Premier ministre a rappelé qu’il a été décidé par le président de la Transition, à la suite de son discours du 31 décembre 2023 pour enclencher une dynamique d’appropriation nationale de la gestion de la crise. Sur la base des propos du chef de l’Etat, il dira que le processus a été enclenché et les termes de références indiquent que l’objectif général du dialogue est de contribuer à la restauration de la paix, de la cohésion sociale et de la réconciliation nationale en précisant huit objectifs spécifiques. Pour Moussa Mara, il apparait clairement que le dialogue est organisé autour des conflits, de la paix, de la réconciliation et de l’implication de la société dans la prévention et la gestion de ces aspects. Malheureusement, il dira qu’au regard du processus, certaines insuffisances risquent de compromettre l’ambition affichée par le chef de l’Etat.
Comme premier point, Moussa Mara estime que le dialogue omet des acteurs clés. Selon lui, les conflits actuellement en cours sur le territoire malien, de même que les actes de violences perpétrés au dépens des Maliens, sont le fait d’acteurs encore actifs sur le territoire. L’ancien Premier ministre soutient qu’il s’agit de groupes rebelles ayant des objectifs politiques et d’acteurs terroristes mus par des desseins religieux, sociaux, politiques voire géopolitiques. « Ces acteurs sont les principales sources de violence et donc les principaux obstacles à la paix et à la coexistence pacifique entre les communautés au Mali. Ils ont été d’emblée exclus du processus du dialogue inter-Maliens bien qu’étant Maliens pour la plupart », dénonce Moussa Mara dans sa note. « Dans ces conditions, comment les résolutions du dialogue pourraient leur être opposables ? Comment se sentiront ils concernés par ces décisions ? Comment appliquer les conclusions sur le terrain ? Comment obtenir la paix sans leur implication ? », se demande-t-il. Avant d’indiquer qu’à quelques jours du démarrage du processus du dialogue, les autorités ont suspendu les activités des partis politiques et les activités politiques des associations. Pour Moussa Mara, ces acteurs représentent un pan important de la société malienne. « En les empêchant d’agir et de mener leurs activités, les autorités se privent de contributeurs importants au débat public. D’ailleurs, l’essentiel des acteurs politiques du pays ont indiqué, en réaction, qu’ils ne participeraient pas au dialogue. Le processus se trouve ainsi privé d’autres acteurs majeurs qui auraient accru sa pertinence », déplore Moussa Mara.
En second lieu, il pense que le dialogue s’éloigne de son objet. Pour lui, l’examen des termes de référence du dialogue permet de constater que les thématiques de discussions retenues sont fort éloignées de l’objectif général et des objectifs spécifiques pourtant clairement énoncés par les mêmes termes de référence. Pour permettre d’atteindre les résultats attendus, Moussa Mara dira que les thématiques retenues doivent plutôt être directement liées aux objectifs spécifiques identifiés. Enfin, Moussa Mara soutient que le Dialogue évoque des sujets déjà discutés. Il a rappelé qu’avant ce processus de dialogue inter-Maliens, le pays a conduit dans un passé récent le Dialogue national inclusif en 2019 et surtout les Assises nationales de la refondation organisées par les autorités actuelles en 2021. Pour lui, il aurait été mieux indiqué que le dialogue se cantonne uniquement à la paix et la réconciliation nationale comme l’a évoqué clairement le chef de l’Etat dans son discours du 31 décembre 2023. Ce qui, selon lui, aurait sans doute permis d’aborder cette question essentielle de manière approfondie, ouvrant ainsi la voie à l’atteinte des objectifs affichés initialement.
Seydou Traoré