Situation politique au Mali : L’appel et les craintes de l’ancien Premier ministre Moussa Mara

Au cours d’une conférence de  presse qu’il a animée dimanche, l’ancien Premier ministre Moussa Mara a lancé un appel solennel pour sauver la transition en cours au Mali. Le conférencier soutient qu’il y a des gros nuages au-dessus du  pays et de la transition qui fait face à des difficultés importantes.

D’entrée de jeu, Moussa Mara a invité les acteurs politiques, de la société civile, les autorités, les simples citoyens à tout faire  pour que la transition n’échoue et  ne s’enlise pas. Selon lui, c’est cet enlisement qu’il craint personnellement. Il dit craindre cela d’autant plus que les autorités actuelles de la transition ont réussi quelque chose qu’on n’avait pas vu auparavant. Elles ont créé chez les Maliens, un grand sentiment d’attachement au Mali, le patriotisme et le nationalisme. « Ce grand sentiment, nous devons tout faire pour qu’il ne reflue pas et ne se transforme pas encore une fois en grande déception », a indiqué l’ancien Premier ministre, qui prévient que si cette fois-ci, les Maliens sont encore déçus, il sera difficile de réveiller chez eux  l’espoir, l’espoir pour des lendemains meilleurs, de sauver le pays. « C’est pourquoi, nous devons sauver la transition, sauver l’espoir qu’elle a suscité et  faire en sorte qu’elle se passe bien et se termine bien », a ajouté Moussa Mara. Toutefois, le conférencier dira que la réussite de la transition passe par le traitement approprié de cinq grands défis.

Le premier défi  auquel il a fait allusion est celui de la paix au Nord et ailleurs dans le pays. A ce titre, il a salué la volonté du chef de l’Etat qui, dans son discours à la Nation à l’occasion du nouvel an, a ouvert les perspectives d’un dialogue entre Maliens. Selon Moussa Mara, on ne peut obtenir la paix que par le dialogue et la discussion. Cependant, il demande  d’éviter que cette perspective de  dialogue inter-Maliens soit un monologue et qu’elle soit un processus administratif qui débouche uniquement sur des mots au-delà des vraies résolutions et de  la vraie entente entre les composantes du pays. Moussa Mara  conseille aussi de discuter avec la CMA et les Maliens qui sont engagés dans  l’aventure terroriste.

Le deuxième grand défi qu’il a évoqué est l’insuffisance de ressources. Pour M. Mara, les coupures d’électricité sont la réalité de chaque Bamakois depuis quelques mois. Il déplore que dans son discours, le chef de l’Etat n’a pas annoncé de délai, de mesures concrètes, précises avec des impacts visibles sur cette question. Il propose de communiquer autour des délestages pour amener les Maliens à patienter, à faire preuve de résilience. D’après lui, ils en ont déjà l’habitude. Toutefois, il prévient qu’on est résilient que face à quelque chose qu’on connait et fixé dans le temps. Mais face à l’incertitude, personne ne peut être résilient.

Le troisième défi dont Moussa Mara  a fait cas est aussi lié à la question de l’énergie et porte sur les difficultés économiques et financières du pays et de l’Etat. Selon lui, aujourd’hui, l’Etat a beaucoup de difficultés à faire face à ses engagements. A ce niveau, l’ancien Premier ministre a souligné la question du  payement de la dette intérieure, les difficultés à faire des investissements, le recours régulier aux emprunts à des conditions difficiles. Pour lui, aujourd’hui, l’Etat malien s’endette comme un Malien lambda. M. Mara a appelé à prendre des mesures et pour lui, les autorités doivent donner l’exemple. « Il n’est pas concevable qu’au moment où il y a ces difficultés économiques et financières où on s’endette pour faire face aux dépenses, que des budgets de fonctionnement augmentent », a dénoncé Moussa Mara.

Un autre défi qu’il a cité concerne les restrictions aux libertés. Pour M. Mara, toute autorité, tout pouvoir ou  tout régime a besoin d’entendre des sons discordants, des critiques pour améliorer son fonctionnement.

Le dernier défi qu’il a évoqué est le retour à l’ordre constitutionnel  qui est un des objectifs majeurs de la transition. Selon l’ancien Premier ministre, le retour à l’ordre constitutionnel est lancé par l’adoption de la nouvelle Constitution en 2023. Il  pense que pour l’application de cette Constitution, il faut le retour à l’ordre constitutionnel. « C’est un devoir des autorités. Et c’est à ce titre que le chef  de  l’Etat a dit dans son discours que les autorités de la transition feront des efforts en 2024 pour le retour à l’ordre constitutionnel », a souligné Moussa Mara, qui déplore   qu’en indiquant cela, le président de la Transition n’a donné  ni de date, ni de chronogramme. C’est face  à tous ces défis que l’ancien Premier ministre a  appelé  l’ensemble des  fils du pays à sauver la Transition car sa réussite est celle du Mali.  

Abdoul Sanogo