Comme il l’a fait pendant le dialogue inter-Maliens avec les propositions préliminaires, Dr Aly Tounkara, expert sur les questions de défense, de sécurité et de paix au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) se prononcent ici sur les recommandations qui ont sanctionné ces assises pour la paix et la réconciliation nationale.
D’entrée de jeu, le chercheur dira que les recommandations issues du dialogue inter-Maliens sont d’une lecture plurielle. Selon Dr Aly Tounkara, la pluralité de lecture réside dans les termes de référence qui ont sous-tendu les différentes discussions, la manière dont les échanges ont été menés dans les échelles communale, régionale et du District de Bamako. Au niveau des différentes recommandations formulées par les participants, certaines d’entre elles sont en déphasage avec les différents objectifs assignés à ce dialogue inter-Maliens. Il s’agit par exemple du fait d’élever les Colonels au grade de Général, de l’hypothèse de la candidature du président de la Transition qui sont des éléments qui n’ont pas de liens factuels avec les termes de référence élaborés pour conduire ce dialogue.
Concernant l’atteinte ou non des objectifs du dialogue, Dr Aly Tounkara dira que cela dépend de la grille de lecture. Selon lui, lorsqu’on est en phase avec les objectifs réellement fixés dans les termes de référence, on peut difficilement parler d’une atteinte conforme et cohérente des objectifs assignés à ce dialogue inter-Maliens. Mais lorsqu’on porte d’autres lunettes de lecture, on se rend compte qu’on est allé au-delà même des objectifs assignés à ce dialogue. D’après Dr Tounkara, la lecture objective des recommandations issues du dialogue inter-Maliens montre que les différences entre ce dialogue et les assises précédentes sont marginales. Les questions de gouvernance, de charte des partis politiques en passant par la question de redevabilité, la lutte contre les pratiques corruptives, la question de la justice et de l’éducation sont des aspects qui ont été longuement abordées par des dialogues antérieurs. Les Assises nationales de la refondation, la conférence d’entente nationale et d’autres fora ont eu toute la latitude d’amorcer ces aspects consignés dans le rapport final du dialogue inter-Maliens, rappelle Aly Tounkara. Il dira que qu’il a été question depuis la conférence d’entente nationale de déclencher un dialogue substantiel avec les groupes terroristes au référentiel musulman. Mais la nouveauté qu’il trouve avec ce dialogue est que cette fois-ci, les assises ont mis le focus sur la dimension idéologique de ce dialogue. D’après le chercheur, il s’agit de déclencher un dialogue doctrinaire qui va être arguments religieux contre arguments religieux afin de permettre à ce qui se battent au nom de l’Islam de déconstruire leurs argumentaires afin d’asseoir une compréhension beaucoup plus nuancée, partagée et acceptée de l’Islam. Cette nouveauté dans ce dialogue est à saluer en termes d’innovation et d’approche, souligne Aly Tounkara. Pour lui, la question de grade des Colonels au pouvoir, celle de la possibilité de la candidature du président Goïta, de la durée de la Transition sont des éléments à l’analyse qui laissent entendre que les objectifs initiaux assignés à ce dialogue ont été falsifiés et ont connu des mutations qui ne riment pas avec l’esprit des termes de référence. Ce sont des questions qui n’ont pas été consignées dans les termes de référence mais qui restent quand même des préoccupations. Et le mérite revient à ce dialogue de les avoir tranchées même si ces questions n’avaient aucun lien avec les termes de référence.
F. Sissoko