Le Burkina Faso et le Niger se sont engagés à mutualiser leurs efforts pour lutter contre le terrorisme dans le cadre de la sécurisation de leurs frontières communes sans impliquer le Mali. « Nous avons décidé ensemble de mutualiser nos moyens, de consolider la coopération entre nos ministères de la Défense, de la Sécurité, les renseignements, de manière à ce que nous puissions sécuriser nos frontières communes », a déclaré lundi à Ouagadougou le président du Faso Roch Marc Christian Kaboré au terme de la visite de son homologue nigérien Mohamed Bazoum. Sur la question Dr Aly Tounkara, Directeur du Centre des Etudes Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S) livre son analyse.
Le chercheur a d’abord rappelé que depuis un bon moment, le Mali et le Niger ont du mal à s’entendre sur le plan diplomatique pour plusieurs raisons. Selon Dr Aly Tounkara, la volonté du Mali de redéfinir son maillage sécuritaire avec la possible venue d’acteurs privés de securité a, à coup sûr, tendu les rapports entre les deux pays. Pour rappel, il dira que le ministre nigérien des Affaires Etrangères a clairement déclaré que la venue des acteurs privés de securité ne serait pas appréciée par son pays et par la Cedeao. Le chercheur souligne que ce ministre est allé jusqu’à dire que si les autorités de la transition ne quittent pas le pouvoir au mois de février prochain comme prévu par la Charte, des sanctions seront infligées contre l’élite militaire au pouvoir.
« Ce sont ces situations qui ont clairement tendu davantage les rapports entre le Mali et le Niger même si des réponses ont été données également du côté malien en qualifiant ces propos d’inacceptables et d’inamicaux », a indiqué Dr Aly Tounkara. Pour lui, beaucoup voyaient le Burkina Faso comme le médiateur le mieux indiqué entre les deux pays voisins en vue d’arriver à des solutions consensuelles dans le cadre de la lutte contre les groupes radicaux violents. Le spécialiste des questions de securité pense que la brouille diplomatique entre le Mali et la France ces derniers temps est aussi pour quelque chose dans cette situation. Pour étayer ces propos, il a rappelé qu’après le second coup d’Etat du 24 mai dernier, la France a suspendu sa coopération militaire avec le Mali. Et elle s’était repliée davantage sur le Niger. De même, avec le retrait partiel des éléments de la Force Barkhane, c’est le Niger qui est toujours retenu comme une sorte de base arrière pour l’Armée française dans le Sahel. « Tout cela veut dire que le Niger a du mal à se soustraire du dictat français », souligne Dr Tounkara pour qui, la vision des autorités françaises vis-à-vis du Mali a été clairement épousée par le Niger. D’après lui, c’est le cas du Burkina Faso qui reste étonnant. Il fait remarquer que beaucoup d’observateurs ne voyaient pas le Burkina emboiter le pas au Niger et s’insurger de la sorte contre le Mali en le mettant sur la touche. Le chercheur estime pourtant que pour parvenir à bout de l’insécurité dans ces trois pays, non seulement le maillage sécuritaire doit être fait de concert et même les équipements militaires doivent faire l’objet de discussions. A titre d’exemple, Dr Aly Tounkara dira que si le Burkina Faso a des hélicoptères, le Mali doit plutôt mettre le focus sur des blindés et le Niger, sur les outils de renseignements et de collecte d’informations. « Cette mutualisation des efforts va au-delà de l’action militaire seulement. Elle doit concerner les équipements militaires, la redéfinition du maillage sécuritaire, les différentes patrouilles à mener, les équipements à utiliser lors de ces patrouilles », conseille le spécialiste des questions de securité, tout en précisant que cela doit faire l’objet d’un dialogue substantiel et constructif entre les trois Etats.
La Nouvelle Voie du Mali