Dans un rapport publié le 20 février dernier, International Crisis Group appelle à saisir l’opportunité du dialogue inter-Maliens pour mettre fin à la crise au Nord du Mali.
L’organisation a rappelé que les Forces armées maliennes (Fama), ont repris la ville de Kidal contrôlée, depuis 2012, par des groupes rebelles. Pour International Crisis Group, cette reprise représente certes une victoire pour les autorités maliennes, mais elle ne doit pas faire illusion car aucun des belligérants ne s’imposera durablement par la seule voie des armes.
Selon le groupe de recherche, la récente offre de dialogue inter-Maliens lancée par les autorités de transition fin 2023, est une opportunité à saisir pour que la négociation prévale à nouveau sur l’affrontement, seule manière de parvenir à une paix durable. L’organisation a indiqué que l’accord pour la paix d’Alger offrait jusque-là un cadre utile, accepté par les belligérants, depuis sa signature en 2015. Toutefois, elle reconnait que sa mise en œuvre a été lente et a buté sur des questions essentielles. Pour International Crisis Group, la première phase de la transition avait maintenu ce cadre et même fait progresser l’application de l’accord. Mais la seconde phase s’est engagée dans une autre voie, privilégiant une approche militaire. Fermement installés au pouvoir, les militaires ont fait de la montée en puissance des Fama et de la réaffirmation de la souveraineté de l’État malien sur l’ensemble du territoire une priorité. Ils ont renforcé la coopération avec la Russie pour renforcer leurs capacités militaires. Ils ont aussi obtenu le départ des forces françaises de l’opération Barkhane, européennes de Takuba et onusiennes de la Minusma. En outre, ils se sont retirés du G5 Sahel et de sa force conjointe puis créé en septembre dernier, avec le Burkina Faso et le Niger, l’Alliance des États du Sahel (AES), un pacte de défense mutuelle. Fin janvier, ils ont annoncé leur sortie de la Cedeao, détaille le rapport.
Selon International Crisis Group, l’accord envisageait de rétablir la paix au Mali par le biais d’une décentralisation renforcée et de l’intégration d’une partie des groupes rebelles dans l’armée malienne. Il prévoyait également des projets de développement économique pour les régions du Nord, ainsi que des réformes et des mesures en matière de justice et de réconciliation nationale. L’organisation rappelle que dès sa signature, l’accord a suscité des réserves tant de la part des parties signataires que d’observateurs extérieurs, dont Crisis Group. Beaucoup ont reproché à la médiation internationale dirigée par l’Algérie d’avoir imposé l’accord sans prendre le temps d’aplanir toutes les divergences entre les belligérants. Pour cette raison, il ne satisfait véritablement aucune des parties signataires et souffre d’une faible popularité. Il laisse également de côté une partie des belligérants, notamment les djihadistes, mais aussi d’autres groupes armés non affiliés aux deux coalitions signataires. Par ailleurs, de nombreux mouvements de résistance civile, nés en 2012 pendant l’occupation du Nord par les groupes djihadistes, notamment dans la région de Gao, des groupes de femmes et des acteurs politiques, se sont sentis lésés dans la gestion du processus de paix d’Alger, fait remarquer International Crisis Group, qui soutient que depuis la prise de Kidal le 14 novembre 2023, les affrontements entre les Fama et le CSP ont significativement diminué.
D’après le groupe de recherche, le dialogue inter-Maliens ouvre de nouvelles perspectives de résolution politique du conflit, que l’ensemble des protagonistes devraient saisir plutôt que de s’enliser dans un conflit sans vainqueur définitif possible. Alors que les contours de ce nouveau processus restent à définir, trois options se présentent aux autorités de transition d’après International Crisis Group : un dialogue national avec les forces vives, un dialogue avec les groupes armés signataires, notamment le CSP, permettant de traiter des questions spécifiques tels que le désarmement et la réintégration des anciens combattants et enfin un dialogue élargi à tous les groupes armés, y compris les djihadistes présents sur le territoire national.
F. Sissoko