Pour son projet coronavirus 2.0, l’autrice et comédienne malienne Jeanne Diama a bénéficié du Fonds de Solidarité pour les Artistes et les Organisations Culturelles en Afrique (SOFACO).
Ce projet dénommé coronavirus 2.0 est un monologue intérieur pour celle qui a vécu le confinement, le déconfinement et la fermeture des frontières étant en France. « Cela m’a évidemment bouleversée, changé physiquement et mentalement », soutient Jeanne Diama. Elle raconte que la solitude qui suit est un passage tellement silencieux qu’elle a envie de gifler le virus et le faire disparaître à jamais. A cela s’ajoute le fait qu’elle était très proche du virus. C’était presque l’hécatombe autour d’elle lorsqu’elle entendait le nombre de personnes hospitalisées ou décédées du coronavirus. D’après Jeanne, cette situation lui a aussi imposé des changements radicaux qui, maintenant, sont devenus des réflexes tout à fait ordinaires. Le fait de se mettre constamment du gel sur les mains, se les laver, mettre un masque, se tenir à un mètre des autres, ne pouvoir sortir qu’une seule heure par jour pour faire ses courses et surtout ne voir personne puisqu’étant dans une ville qu’on ne connaît pas. Voilà autant de choses que l’apparition du virus a opérées dans sa vie et qu’elle a décidé d’exposer et les confronter avec d’autres personnes qui ont les mêmes expériences qu’elle ou non. Jeanne se rappelle par la suite qu’en rentrant à Bamako, elle s’est rendue compte très vite que le fait de dépendre très souvent des institutions étrangères oblige à se conformer à leurs règles : moins de personnes dans les salles de spectacle, souvent fermeture complète des salles, arrêt provisoire des festivals, moins de financements pour les créations puisque les salles sont fermées à cause du confinement en plus des règles de distanciation. Par conséquent, beaucoup de créations n’ont pas pu recevoir les financements parmi lesquelles, deux qu’elle prévoyait. Mais aussi des ateliers d’écriture.
A travers ce projet dont les activités ont commencé en janvier 2022, l’objectif pour Jeanne était d’exposer les conséquences du confinement pour ceux qui ne l’ont pas vécu, de confronter les points de vue sur l’existence du virus. Mais également, essayer de penser à ce nouveau monde qu’offre le coronavirus et à la nouvelle cohabitation avec cette maladie.
Pour la mise en œuvre de son projet, Jeanne Diama a mené plusieurs activités pour lesquelles, nous l’avons suivi. À partir de janvier, elle a rencontré de nombreuses personnes pour leur poser des questions sur le coronavirus, son impact sur elles et leurs quotidiens. Cette étape passée, elle a fait des rencontres avec des jeunes artistes de la compagnie Kènè Art. Des rencontres sous forme d’atelier mais aussi de discussions de grin. Après, elle est entrée en phase de résidence solo pour écrire son coronavirus et le coronavirus de ceux qu’elle a rencontrés. Quand le texte est arrivé à son terme, Jeanne a décidé non pas de le présenter dans des espaces dédiés aux spectacles mais dans la rue comme une sorte de thérapie face aux mois de solitude qu’elle a passés en confinement en France. Un acte que plusieurs personnes ont salué dans les rues de Bamako. Enfin, elle a initié des panels de discussions avec des médecins et des policiers qui sont deux corps de métiers qui se retrouvaient régulièrement au cœur des discussions et des ateliers.
A noter que Jeanne Diama est une autrice, metteuse en scène et comédienne malienne, titulaire d’un Master II décroché au Conservatoire des Arts et Métiers Multimédia Balla Fasséké Kouyaté de Bamako. Elle a déjà travaillé sur d’autres projets notamment, cousu-main (écriture, création et diffusion à Bamako en 2021), Tafé fanga ou (le pouvoir du pagne) à travers des ateliers, des résidences de recherche à Bamako, à Limoges et à Paris entre 2019 et 2020.
F. Sissoko