Le Conseil national de Transition (CNT) a adopté le jeudi 31 octobre dernier, deux textes majeurs qui marquent un tournant décisif pour la réforme de la justice et sa saine distribution au Mali. Il s’agit du nouveau Code pénal et le Code de procédure pénale. Les deux textes apportent de nombreuses innovations. Leur adoption n’a pas laissé le président de la Commission nationale des droits de l’Homme (CNDH) Aguibou Bouaré indifférent. Lui qui a toujours indiqué que la meilleure sécurité est celle juridique et judiciaire. Et que nul n’est à l’abri de la violation de ses droits…
Dès l’adoption des deux textes, le président de la CNDH a posté sur sa page Facebook : « Protection DH : institution d’un collège de juges pour décerner mandat de dépôt à saluer » et « protection DH : criminalisation de l’esclavage par ascendance, est une avancée significative ».
Contacté par nos soins, Aguibou Bouaré dira qu’en attendantla version définitive de ces deux instruments juridiques importants dans la vie de la société, singulièrement dans la protection de l’ordre public et de la dignité humaine, il relève un certain nombre de réformes majeures.
Pour lui, la criminalisation de l’esclavage par ascendance qui était une forte recommandation des défenseurs des droits humains, particulièrement la CNDH, est un acquis et une avancée significative à saluer. « Les ministres Malick Coulibaly et Mamoudou Kassogué se sont remarquablement impliqués pour porter la lutte contre l’esclavage par ascendance », a souligné le président Bouaré, qui dira que la volonté politique des autorités a joué dans l’avancée de ce dossier et son adoption par le CNT.
« C’était une grande honte dans notre pays que certains Maliens traitent d’autres d’esclaves. D’aucuns tentent de justifier ce fléau par des prétextes et arguments fallacieux alors même que rien ne saurait justifier cette violation grave des droits humains. Ne serait-ce que le qualificatif « esclave » est inadmissible et à bannir », a insisté Aguibou Bouaré, pour qui, la criminalisation de la traite des personnes rentre dans le même cadre.
Une autre innovation qu’il a évoquée est la suppression des cours d’assises qui, selon lui, permettra de diligenter les procédures criminelles. Cela permettra également aux seuls magistrats professionnels de trancher les affaires criminelles en se passant de l’émotion des jurés qui facilitait l’acquittement de certains accusés sur la seule base de l’intime conviction et du résultat des délibérations.
« L’institution du juge de l’application des peines, une autre innovation, permet de renforcer la fonction de réinsertion sociale de la peine en modulant les peines en fonction du comportement des personnes purgeant leurs peines », a expliqué M. Bouaré. Pour lui, certains modes alternatifs à l’emprisonnement tels que le bracelet électronique et les travaux d’intérêt général contribueront à désengorger les prisons.
Il a salué la prise en compte d’autres infractions notamment la responsabilité pénale des personnes morales, la fixation des peines pour les infractions prévues par certains textes communautaires (OHADA, UEMOA).
Par ailleurs, le président de la CNDH a souligné la mise en place d’un collège des libertés et des détentions par les nouveaux textes. D’après lui, l’institution de cette innovation majeure participera au renforcement de la protection de la présomption d’innocence. Il a précisé qu’il s’agit là d’une de leurs recommandations phares visant à banaliser moins le décernement des mandats de dépôt.
M. Bouaré soutient qu’il est établi que le décernement quasi-systématique de mandats de dépôt, outre qu’il porte atteinte à la présomption d’innocence, est l’une des causes principales de la surpopulation carcérale.
« La prérogative exorbitante de priver une personne de sa liberté se retrouve (avant application des nouveaux textes) entre les mains d’une seule personne, d’un seul juge qui ne se prive pas souvent d’en user voire d’en abuser au détriment du principe selon lequel, la liberté est le principe et la détention l’exception », a-t-il dénoncé. Avant d’ajouter que cette innovation a pu passer malgré la résistance de certains juges qui étaient opposés.
D’après M. Bouaré, la mise en œuvre de bonne foi de cette innovation contribuera sans doute à désengorger les maisons d’arrêt. Il estime que ces reformes visent à mieux protéger la dignité humaine, les droits humains et à favoriser l’accès à une justice équitable.
F. Sissoko