Retrait du Mali, du Burkina et du Niger : Le réveil tardif de la Cedeao

Après l’annonce du retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso de la Cedeao, l’organisation sous-régionale exhorte les trois paysà privilégier le dialogue et la réconciliation face aux incertitudes liées à leur retrait de la communauté.  L’organe régional a adopté cette position à l’issue d’une session extraordinaire de son Conseil de médiation et de sécurité qui s’est tenue le 8 février dernier à Abuja au Nigeria, tout en soulignant l’impérieuse nécessité de mettre l’accent sur la diplomatie et l’esprit d’unité, face aux défis qui se posent à l’échelle régionale.

A l’issue des travaux, le ministre des Affaires étrangères du Nigeria et président en exercice du Comité de médiation et de sécurité, l’Ambassadeur Yusuf Tuggar, a déclaré que la décision prise par le Burkina, le Niger et le Mali de se retirer de l’organisation constitue un défi supplémentaire, mais que les autres membres, animés par l’esprit de coopération, sont déterminés à relever ce défi, en défendant les valeurs de la communauté.

« Nous devons mettre à profit la dynamique créée au cours de la présente session et poursuivre nos efforts en vue d’encourager les pays membres concernés à accepter le dialogue, dans un esprit de compréhension et de réconciliation », a-t-il ajouté. L’ambassadeur Tuggar a souligné l’impact préjudiciable que ce retrait du Burkina, du Mali et du Niger pourrait avoir pour leurs citoyens.

« Le choix fait par ces trois pays de sortir de la Cedeao aura pour effet non seulement de créer de grandes difficultés pour leurs populations, mais également de saper les efforts d’intégration régionale », a-t-il déclaré, avant de réaffirmer l’engagement de l’organisation sous-regionale à promouvoir le dialogue, la diplomatie et la réconciliation, qui constituent les fondements de son approche en matière de résolution des conflits au sein de la communauté.

Décision irréversible

Cette décision du Conseil de médiation et de sécurité intervient alors que dans des correspondances adressées à la Commission de la Cedeao en réponse à ses notes verbales, le ministère des Affaires étrangères et de la Coopération internationale du Mali, le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération régionale et des Burkinabè de l’extérieur et le ministère des Affaires étrangères, de la Coopération et des Nigériens de l’extérieur ont réitéré le caractère irréversible des décisions de leurs gouvernements de se retirer sans délai de la Cedeao. Ceci, en raison de la violation par l’organisation de ses propres textes, ainsi que les autres raisons légitimes mentionnées dans le communiqué conjoint des trois Etats en date du 28 janvier 2024.

Selon les ministères des trois pays, la Cedeao a imposé des sanctions contraires aux dispositions communautaires pertinentes du Traité révisé de l’organisation portant régime des sanctions à l’encontre des Etats membres qui n’honorent pas leurs obligations vis-à-vis d’elle. D’après les ministères des Affaires étrangères des trois Etats, ni ces textes, ni aucun instrument juridique de l’organisation ne prévoit la fermeture des frontières à un Etat membre.  En outre, par cette décision, la conférence des chefs d’Etat de la Cedeao a violé le droit d’accès à la mer et depuis la mer ainsi que leur liberté de transit tel que prévu par l’article 125 de la convention des Nations unies sur le droit à la mer adopté à Montego Bay le 10 décembre 1982, soutiennent les ministères. Avant d’indiquer à la Commission que ces graves manquements commis par la Cedeao rendent son traité inopérant au regard des dispositions pertinentes de la Convention de Vienne sur le droit des traités de 1969 notamment celles relatives à la non-ingérence dans les affaires intérieures des Etats, la survenance d’une situation rendant l’exécution du traité impossible et le changement fondamental de circonstances. Par conséquent, les gouvernements du Mali, du Burkina Faso et du Niger ne sont pas liés aux contraintes de délai mentionnées à l’article 91 du Traité révisé et évoqué par la Commission, selon les correspondances envoyées à la commission par les ministères des Affaires étrangères des trois Etats.

Aussi, le caractère irrévocable de cette décision a été rappelé lors de la réunion des ministres de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) qui s’est tenue le jeudi 15 février dernier à Ouagadougou au Burkina Faso. Au cours de cette réunion qui a regroupé une vingtaine de ministres des trois pays, ceux-ci ont rendu hommage aux chefs d’Etat pour la décision historique et salutaire de retrait du Burkina Faso, du Mali et du Niger de la Cedeao, « une institution sous-régionale qui, au fil des années, s’est éloignée des objectifs à elle assignés ». Les ministres voient en ce retrait, une opportunité pour les trois pays de construire leur développement endogène bâti sur leurs ressources et capacités. Ils sont aussi convaincus que ce retrait offre aux trois Etats une nouvelle opportunité de parvenir à une fraternité, une solidarité et une intégration réelles sans aucune ingérence ni manipulation extérieure. 

A. Sanogo