Dialogue direct inter-Maliens : Sans les partis politiques ?

Les autorités de la transition ont suspendu le mercredi dernier jusqu’à nouvel ordre, les activités des partis politiques ainsi que les activités à caractère politique des associations pour raison d’ordre public. Cette suspension a eu lieu alors le président du comité de pilotage du dialogue inter-Maliens Ousmane Issoufi Maïga et le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, le Colonel Abdoulaye Maïga, lors de leur rencontre avec les responsables des partis politiques le jeudi 4 avril, demandaient à ces derniers de mobiliser leurs militants pour la réussite de ce dialogue.

La rencontre d’échanges entre le comité de pilotage du dialogue inter-Maliens pour la paix et la réconciliation et les responsables et représentants des partis politiques avait pour objectif de leur remettre les documents officiels concernant le dialogue et leur donner toutes les informations nécessaires par rapport à la première phase qui est achevée et la seconde phase qui va bientôt commencer.

Dans son intervention, le président du comité de pilotage a indiqué que cet exercice était un devoir pour eux. Il s’agit de les informer de leurs missions, de leurs intentions et recueillir leurs avis dans cette phase préparatoire du dialogue inter-Maliens. Ousmane Issoufi Maïga a indiqué qu’ils ont besoin de la participation, de l’implication et de l’accompagnement des partis politiques pour la réussite de ce dialogue. A ce propos, il rappelé une citation de Vaclav Havel, ancien chef d’Etat de l’ex-Tchécoslovaquie qui disait que « les partis politiques sont une sorte d’aboutissement de l’activité associative. On ne peut guère imaginer le fonctionnement d’une société démocratique sans eux ». L’ancien Premier ministre voulait ainsi rappeler la responsabilité qu’ont les organisations politiques de cette nature dans la formation des citoyens dans nos Etats en construction en tenant compte des contextes socio-politiques tout le long de leur évolution. « Nous sommes tous témoins des temps actuels, du contexte national et international difficile avec des défis de sécurité, de changement de paradigme endogène et exogène tous azimuts. Notre monde tremble entre mutation politique, sociale, économique, géopolitique et nous le ressentons tous autant dans nos propres foyers que dans nos quartiers, nos villes, nos régions, notre sous-région dans le monde », a indiqué Ousmane Issoufi Maïga. En tant que Maliens, il dira que « nous devons résister et continuer de forger notre destin commun dans le dialogue, la concorde nationale, la solidarité, le vivre ensemble et la justice ». Pour lui, ce dialogue doit être le cadre idéal pour débattre de tout dans la franchise, la loyauté et la vérité et pour un véritable apaisement dans le pays.

« Nous savons que vos démembrements sont partout sur le territoire national c’est-à-dire les communes, les régions, dans toutes les collectivités où le dialogue inter-Maliens se déroulera très bientôt, à l’extérieur du Mali où les Maliens résident », a soutenu le président du comité de pilotage, qui a sollicité l’appui indéfectible des partis politiques pour passer le message en vue de contribuer à une inclusivité réelle du processus.

Plus de 293 partis politiques

Pour sa part, le ministre d’Etat, ministre de l’Administration territoriale et de la Décentralisation a indiqué que le dialogue inter-Maliens est la volonté du chef de l’Etat de laver le linge sale en famille. Selon le Colonel Abdoulaye Maïga, ce dialogue est précédé d’autres dialogues et initiatives de réconciliation et de paix qui n’ont pas eu les effets escomptés. Selon lui, « la perte de plus de la moitié de notre territoire national en 2012 nous rappelle sans cesse la nécessité de nous retrouver entre nous ». Aussi, il dira que la fin de l’Accord issu du processus d’Alger en janvier dernier « nous oblige à nous accrocher avec l’énergie du désespoir à cette initiative salvatrice du dialogue direct inter-Maliens ». Le Colonel Maïga a félicité le comité de pilotage pour son initiative de rencontrer l’ensemble des forces vives de la Nation car pour lui, il y a de la place pour tout le monde. Il estime qu’aujourd’hui, la seule initiative pour sortir le Mali du cycle de violence, de haine, d’intolérance est le dialogue direct inter-Maliens. A l’endroit des partis politiques, il a précisé qu’il ne s’agit pas de conquête du pouvoir dans le cadre du dialogue inter-Maliens. Il s’est associé à l’appel solennel lancé par Ousmane Issoufi Maïga aux partis politiques, de mobiliser leurs militants. Pour le ministre Maïga, l’objectif d’un parti politique est de proposer un projet de société. Il a indiqué qu’il y a plus de 293 partis politiques au Mali. « Vous êtes une force très importante de proposition. Nous avons besoin de vos idées, remarques, observations pour sceller définitivement la paix au Mali et sortir du cycle peu reluisant de violence qui a fait suffisamment de mal », a déclaré le Colonel Abdoulaye Maïga.   

En décidant ainsi de suspendre les activités des partis politiques et les activités à caractère politique des associations, ces acteurs vont-ils encore accepter de participer au dialogue inter-Maliens ? C’est la question qui taraude les esprits surtout qu’à plusieurs reprises, le chef du gouvernement a invité ces acteurs pour une rencontre dans le but de briser la glace entre eux et les autorités de la Transition. Les ténors de la classe politique n’ont jamais accepté de le rencontrer. Malgré cette situation, certains avaient fait le déplacement au CICB le jeudi 4 avril dernier pour pendre part à la rencontre avec le comité de pilotage du dialogue inter-Maliens. Ce cadre aurait pu servir pour briser la glace entre les acteurs politiques et les autorités de la Transition. Mais cette suspension va sans doute creuser davantage le fossé qu’il y a entre eux.

S. Traoré