De la frénésie sécuritaire aux équations à plusieurs inconnues : L’analyse de Dr Aly Tounkara sur le coup d’Etat au Niger

Le Niger vient de connaitre son cinquième coup d’État militaire depuis son accession à l’indépendance (1960). Le premier coup de force a lieu en avril 1974 contre le président Diori Hamani, perpétré par Seyni Kountché et ses lieutenants. Quant à l’avant dernier, il remonte à février 2010 contre le président Mamadou Tandja ; coup de force dirigé par Salou Djibo. Et enfin, le dernier (pour le moment) qui est sur toutes les lèvres, survenu contre Bazoum, ce 26 juillet 2023. Ce dernier putsch, inattendu, est surprenant. En effet, le Niger était considéré ces temps-ci, comme un pays qui a commencé à enregistrer des progrès importants démocratiques (passation de témoin de Mahamadou Issoufou à Mohamed Bazoum après ses deux mandats) et dans la lutte contre la nébuleuse terroriste, ainsi que dans la bonne gouvernance de façon générale, de plus en plus, à travers une meilleure délivrance des services sociaux de base, y compris dans les coins reculés du pays. Cependant, en dépit de ce tableau reluisant en apparence, la sur-présence des forces étrangères (la France avec plus de 1200 soldats, les USA avec plus de 800, l’Italie presque que 300, l’Allemagne avec plus de 200, etc.) sur son territoire reste diversement appréciée. D’aucuns y voient un complot contre le Sahel facilité par les sahéliens. Tandis que d’autres pensent plutôt à une aubaine à saisir pour booster l’économie du pays et bénéficier de l’expertise de ces puissances militaires, certes en compétition dans la lutte contre le terrorisme. En tout cas, le coup d’État au Niger vient à rappeler que la construction d’un pays revient aux citoyens de ce pays et que la lutte contre le terrorisme ne doit pas supplanter les réelles préoccupations des citoyens, les forces de défense et de sécurité en première ligne. Cet état de fait, interroge à plus d’un titre, quand on sait que tous les États sont dans la conspiration et la propagande. Dans ce cas, il devient impérieux pour le Mali et le Burkina Fasso d’établir un dialogue substantiel imminent avec les nouveaux ‘‘Hommes forts’’ du Niger pour partager leurs expériences et défendre leur vision de sécurisation des trois frontières, devenues l’épicentre des entrepreneurs de la violence. Il ne sert à rien de pleurnicher éternellement sur son sort dans un monde en compétition rude, voire sauvage dans tous les champs du possible.

Dr Aly Tounkara, expert au Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S)