Retrait des cartes d’identité biométriques : Des citoyens expriment leur déception

Par le décret N°2022-0639/PT-RM du 03 novembre 2022, le chef de l’Etat a institué la carte nationale d’identité biométrique sécurisée. Le lancement de l’opération d’enrôlement pour cette pièce avait suscité beaucoup d’espoir pour les populations. Mais depuis le début de la remise des nouvelles cartes, après les longs moments qu’ils passent dans les lieux de retrait, nombreux sont  les citoyens  qui sont déçus une fois le précieux sésame entre leurs mains. Ils dénoncent la non prise en compte des modifications qu’ils avaient demandées.  

Selon le décret présidentiel qui l’a instituée, la carte nationale d’identité biométrique sécurisée certifie l’identité de son titulaire. Elle est conforme aux spécifications techniques fixées par la Cedeao et comprend tous les éléments de sécurité fiduciaire, obligatoires et optionnels, de la carte biométrique sécurisée. Elle comporte le Numéro d’identification nationale (Nina),  le nom de famille ou le nom du père, le ou les prénoms, le sexe, la date et le lieu de naissance du titulaire, le nom dont l’usage est autorisé par la loi si l’intéressé en fait la demande, l’adresse du domicile, la taille du titulaire et la couleur des yeux, les signes particuliers, les empreintes digitales à l’exception des personnes vivant avec un handicap au niveau des mains, la photographie du titulaire, la signature électronique du ministre chargé de la Sécurité, la date et le lieu de délivrance, la date d’expiration, la profession du titulaire.

Le décret a précisé que la première dotation est gratuite pour chaque citoyen. Toutefois, le renouvellement est payant. Après la confection du premier lot de cartes, grande fut la déception de nombreux citoyens qui sont allés chercher les leurs. « A part la photo, rien n’a changé. C’est la reproduction identique de la carte Nina », s’est indigné S. Sanou, un citoyen de la commune VI. «Le jour où j’ai  été au commissariat du 13è arrondissement pour  mon enrôlement, j’ai presque passé la nuit là-bas pour m’inscrire sur une liste. Et aujourd’hui, je vois que sur ma carte biométrique, rien n’a changé sauf  la photo », déplore un autre citoyen très remonté car selon lui, sa carte a été confectionnée avec des erreurs qu’il avait corrigées lors de l’enrôlement.

Le jeudi 31 août dernier, le ministre de l’Administration Territoriale et de la Décentralisation, le Colonel Abdoulaye Maïga et son collègue de la Sécurité et de la Protection civile, le Général de Brigade Daoud Aly Mohammedine ont co-animé une conférence de  presse sur la situation de remise de ces cartes. Ils ont  fait savoir qu’au total 8.463.084 personnes sont concernées. Et à la date du 29 août 2023, 5.733.428 cartes ont été produites. Lors de cette rencontre avec la presse, ils avaient déploré le faible taux de retrait. Car sur 1.192.000 cartes disponibles pour les habitants de Bamako, seulement 109.643 cartes ont été retirées.

Grande affluence

Depuis l’annonce de la disponibilité des cartes, les Bamakois sont mobilisés sur les lieux de retrait. Bien avant la sortie médiatique des membres du gouvernement, il a été annoncé dans un message largement diffusé sur les réseaux sociaux, que toutes les cartes biométriques de Bamako sont désormais disponibles pour retrait dans les sites de remise. Dans cette annonce, il est dit que pour connaitre son site de retrait, il suffit d’envoyer tout simplement son numéro Nina au 36223. Depuis cette annonce, il suffit de faire un tour dans les lieux de retrait pour se rendre compte de l’affluence. Mais la réalité est que les agents chargés de ce travail le font dans une lenteur indescriptible malgré le nombre élevé des citoyens présents sur les lieux. C’est le cas à la mairie de Banankabougou où les usagers se plaignent du comportement des agents. M. Traoré, un habitant du quartier  dit avoir passé plusieurs jours avant d’avoir sa carte. Il se dit déçu car, à part sa photo, il n’y a aucun changement concernant ses informations personnelles sur la carte biométrique. Hier jeudi, aux environs de 08heures 30, au passage de notre équipe de reportage au niveau de la mairie de Banankabougou, nous avons trouvé une situation encore plus frustrante. Un travailleur de la mairie disait aux personnes venues pour le retrait de leurs cartes de revenir à midi car le travail ne commencerait qu’en ce moment  à cause des mariages. Au même moment, quatre listes  de 20 personnes chacune avaient déjà été dressées en plus d’une 5ème liste pour les personnes âgées. Et les gens attendaient à la porte. « Depuis 6 heures, je suis là et c’est ma troisième fois de venir. J’ai pu m’inscrire sur la 4ème liste et je ne suis  même pas sûr d’avoir ma carte aujourd’hui », a déploré un jeune tenant la liste. Avant de dénoncer le comportement des agents qui font aussi des affaires dans le cadre de cette opération de remise. Contrairement à la mairie de Banankabougou, il y avait moins d’affluence à la mairie de la commune VI où il n’y avait que deux listes à notre passager vers 9 heures. Après tous ces efforts, nombreux sont ceux qui expriment leur déception une fois leurs cartes en main.

« Les modifications apportées sur ma carte Nina n’ont pas été prises en compte. En 2009, j’étais étudiant et sur ma carte biométrique, je suis toujours étudiant », a dénoncé un autre citoyen. C’est le même refrain chez cet enseignant  qui se retrouve avec les informations comportant des erreurs sur sa carte Nina alors qu’il avait apporté les pièces pour les corriger lors de l’enrôlement.

Seydou Traoré