Report de l’élection présidentielle : Une partie de la classe politique s’indigne et dénonce une décision non consensuelle

Le gouvernement a annoncé le 25 septembre dernier, qu’après avoir mené les réformes politiques et institutionnelles prioritaires, il a décidé d’organiser exclusivement l’élection présidentielle pour sortir de la Transition. Toutefois, il a précisé que les dates de l’élection présidentielle initialement prévues pour le dimanche 4 février (premier tour) et le dimanche 18 février 2024 pour le second tour connaitront un léger report pour des raisons techniques. Il s’agit de la prise en compte des nouvelles dispositions constitutionnelles dans la loi électorale en particulier l’augmentation de délais entres les deux tours de l’élection présidentielle, la prise en compte par l’Aige des résultats de la révision annuelle des listes électorales dans le fichier électoral à partir de janvier 2024 ainsi que la gestion de la prise en otage de la base de données du Recensement administratif à caractère d’état civil( Ravec) par le prestataire Idemia, une société française. Le gouvernement a indiqué que les nouvelles dates de l’élection présidentielle feront l’objet de communiqué après échange avec l’Aige.

L’annonce de ce report a suscité de nombreuses réactions au niveau de la classe politique et de la société civile. Le parti Yèlèma (le changement) dit avoir appris à travers un communiqué du gouvernement, une nouvelle prolongation de la transition pour une durée indéterminée après plus de trois ans et sans atteindre les objectifs qu’elle s’est elle-même fixée. Le parti de l’ancien Premier ministre Moussa Mara a été surpris du fait que parmi les raisons évoquées, aucune ne mentionne la situation sécuritaire difficile du pays qui « pourrait être une raison nationale pour un report des élections devant mettre fin à la transition » pour un retour définitif à un ordre constitutionnel. Pour le parti Yèlèma, cette nouvelle prolongation, outre qu’elle viole la charte de la transition, n’a fait l’objet d’aucune discussion interne entre les forces vives et ne saurait être une décision consensuelle. C’est pourquoi, il met les autorités en garde sur les risques qu’elles font peser sur le Mali dans leur approche solitaire, non consensuelle, non inclusive pour des objectifs inavoués.

Décision unilatérale

De son côté, la Ligue démocratique pour le changement (LDC) dit avoir appris avec une grosse déception mais sans surprise, la tentative de prolongation de la transition par le gouvernement.  Le parti de Moussa Sinko Coulibaly désapprouve et condamne sans équivoque cette tentative de prise en otage de la démocratie malienne. Avant d’inviter le gouvernement à renoncer à son projet et à organiser l’élection présidentielle au mois de février 2024 comme déjà proposé aux Maliens et convenu avec la communauté internationale. Face à l’enlisement évident de la transition, la LDC fait appel à tous les Maliens en particulier les acteurs politiques à œuvrer pour l’organisation de l’élection présidentielle comme prévu pour un retour à l’ordre constitutionnel.

Pour sa part, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP Malikura) a indiqué que les autorités ont opté pour un refus d’associer les partis politiques et autres organisations spécialisées dans le domaine électoral dans la mise en œuvre du chronogramme et cela, dès sa validation par la Cedeao et le reste de la communauté internationale. Le comité stratégique du Mouvement dénonce cette décision unilatérale et rappelle l’impérieuse exigence de respecter les engagements dans la mise en œuvre  du chronogramme devant aboutir au retour à l’ordre constitutionnel.

Le Parti pour la renaissance nationale (Parena) estime que l’organisation d’élection est une question de volonté politique. Avec cela, le parti de Tiébilé Dramé pense que certaines des raisons techniques évoquées pour justifier ce report pouvaient être évitées notamment par la relecture de la loi électorale et la gestion de la prise en otage du Ravec. Le parti du bélier blanc regrette qu’une telle décision ait été prise sans aucune concertation préalable avec les acteurs politiques et la société civile.

Le Rassemblement pour le Mali (RPM) a aussi réagi en indiquant que le processus de transition politique au Mali est complexe, multi-acteurs et difficile. Selon ce parti politique, sa gestion nécessitait une inclusion plus large, une gestion politique et technique plus efficace, un dialogue plus dynamique et de l’anticipation. Le RPM a exprimé sa profonde inquiétude et son étonnement de voir que le cadre de concertation mis en place pour un dialogue entre le gouvernement et les partis politiques n’ait pas été impliqué dans le processus de cette importante décision.  

L’alliance des forces démocratiques (AFD) regrette qu’après 3 ans de transition qui avait été préalablement fixée à 18 mois, le Mali se trouve dans une transition sans fin et sans résultats tangibles sur les questions sociales, politiques et même de construction de paix et d’unité nationale. Si le parti AFD salue l’organisation du referendum, il regrette cette décision de report non consensuelle en l’absence de toute concertation et sans date indicative ni avec la classe politique, ni avec l’Aige encore moins avec la Cedeao.

Contrairement à ces formations politiques, le mouvement Yèrèwolo débout sur les remparts a pris acte de la « décision souveraine » du gouvernement  annonçant un léger report des dates de l’élection présidentielle pour des raisons techniques. Le Mouvement a souligné qu’il partage entièrement l’initiative d’organiser exclusivement l’élection présidentielle pour sortir de la transition et a déploré la volonté manifeste d’une société française aux visées impérialistes à prendre en otage la base de données du Ravec afin de jeter l’anathème sur les autorités.

Tout comme le mouvement Yèrèwolo, l’Alliance Mali Tagnè (AMATA) soutient que les insuffisances et la non-conformité de certaines dispositions qui ne sont pas en phase avec la nouvelle Constitution ont rendu nécessaire le report des élections. Selon l’Alliance qui partage cette décision de report, les autorités de la transition, dans  une logique d’équité et de transparence dans l’organisation des futures élections, veulent apporter tout le correctif nécessaire avant d’organiser ces élections.

A. Sanogo