Processus de paix au Mali : L’Algérie, un voisin sournois ?

Depuis 1963, le Mali vit une succession de rébellions qui se sont toutes soldées par des accords notamment en 1992, en 2006 et en 2015 issus tous de médiations algériennes. Ces accords n’ont jamais été assez efficaces pour endiguer les crises sécessionnistes. C’est pourquoi, le président de la Transition, le Colonel Assimi Goïta  a pris l’option  de privilégier l’appropriation nationale du processus de paix, en donnant toutes les chances à un dialogue direct inter-Maliens.

Dans la résolution de la crise malienne, la sincérité de l’Algérie a plusieurs fois été remise en cause. Déjà, en janvier 2023, le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, accompagné de son collègue de la Réconciliation, de la Paix et de la Cohésion nationale, chargé de l’Accord pour la paix, le Colonel-major Ismaël Wagué, a effectué une visite à Alger. Porteur d’un message du chef de l’Etat, il avait été reçu en audience par le président algérien, Abdelmadjid Tebboune. Le chef de la diplomatie malienne a réitéré  au président algérien, l’engagement du Colonel Assimi Goïta, de son gouvernement et du peuple malien pour la paix. Au nom du chef de l’Etat, Abdoulaye Diop avait demandé  à l’Algérie de redoubler d’effort pour pouvoir amener toutes les parties à regarder dans la même direction. 


Quelques semaines plus tard, le 24 février 2023, dans une lettre adressée au chef de la diplomatie algérienne, le ministre Ismaël Wagué faisait des observations sur le rôle de la médiation internationale et les cas de violations de l’Accord par certains mouvements. Il avait déploré que ces cas de violations n’aient donné  lieu à aucune condamnation de la médiation internationale dont l’Algérie est le chef de file. Selon lui, l’attitude de certains mouvements suivie de l’absence de réaction de la médiation internationale jette un discrédit sur cette dernière.

En décembre dernier, le Mali et l’Algérie ont connu une brouille diplomatique. Le chef de la diplomatie malienne a en effet convoqué le 20 décembre, l’ambassadeur d’Algérie au Mali pour élever une vive protestation du  gouvernement suite à des « actes inamicaux » posés par les autorités algériennes sous le couvert du processus de paix au Mali.

A cette occasion, Abdoulaye Diop avait soutenu que les rencontres récurrentes aux niveaux les plus élevés en Algérie et sans la moindre information ou implication des autorités maliennes d’une part, avec des personnes connues pour leur hostilité au gouvernement malien et d’autre part, avec certains mouvements signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation ayant choisi le camp des terroristes, sont de nature à entacher les bonnes relations entre le Mali et l’Algérie. Le chef de la diplomatie malienne avait indiqué que ces actes constituent une ingérence dans les affaires intérieures du Mali. Avant d’inviter la partie algérienne à privilégier la voie de la concertation avec les autorités maliennes, seules légitimes pour entretenir des échanges d’Etat à Etat avec les partenaires du Mali. Par la suite, les deux pays avaient rappelé leurs ambassadeurs pour consultations. Après près de deux semaines de brouille diplomatique, l’ambassadeur du Mali en Algérie, Mahamane Amadou Maïga et celui de l’Algérie à Bamako, El Haoues Riache, ont regagné leurs postes.

Alors que cette tension diplomatique est encore fraiche dans les mémoires, les autorités maliennes ont dénoncé par le biais d’un communiqué le jeudi dernier, la main cachée des autorités algériennes dans une manœuvre consistant à imposer un chapitre sur le Mali dans le document final du sommet du Mouvement des non-alignés qui s’est tenu récemment à Kampala en Ouganda sans le consentement du Mali.

Dans le même communiqué, le gouvernement dit constater avec une vive préoccupation, une multiplication d’actes inamicaux, des cas d’hostilité et d’ingérence dans les affaires intérieures au Mali par les autorités algériennes, portant atteinte à la sécurité nationale et à la souveraineté du Mali. Au nombre de ces cas, le gouvernement a cité l’imposition d’un délai de transition aux autorités maliennes de manière unilatérale, l’accueil sans concertation ou notification préalable et au plus haut sommet de l’Etat algérien de citoyens maliens subversifs et d’autres poursuivis par la justice malienne pour actes de terrorisme, l’existence sur le territoire algérien de bureaux assurant la représentation de certains groupes signataires de l’Accord devenus aujourd’hui des acteurs terroristes. Tout en condamnant cette attitude, le gouvernement du Mali exige des autorités algériennes de cesser immédiatement leur hostilité.

Abdoul Sanogo