Insécurité:Dr Aly Tounkara alerte sur les tentatives de généralisation de la terreur au Mali

Dans une analyse publiée récemment, Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des Études Sécuritaires et Stratégiques au Sahel (CE3S) alerte sur les tentatives de généralisation de la terreur au Mali.

Selon le spécialiste, le Mali est un pays toujours confronté aux soubresauts et rebellions indépendantistes depuis son accession à l’indépendance. Pour Dr Aly Tounkara, avec la rébellion sécessionniste de 2012, greffée aux revendications des groupes terroristes brandissant le référentiel musulman, le pays est plongé dans des crises multidimensionnelles, complexes et surtout dynamiques. Le chercheur a cité les raisons évoquées par les entrepreneurs de la violence notamment, l’inadéquation du maillage sécuritaire sur l’ensemble du territoire, le sentiment de non utilité de l’État dans la délivrance des services sociaux de base, la mauvaise gouvernance, les comportements peu louables de certains représentants de l’État vis-à-vis des populations, etc.

D’après l’expert,  le Mali a vu proliférer des groupes armés dans les régions du Nord, du Centre et progressivement vers le Sud. Ce qui, selon lui, voudrait dire que les entrepreneurs de la violence veulent propager la terreur sur toute l’étendue du territoire malien. Il rappelle à cet effet que l’enlèvement du français Gilberto Rodrogues Leal en novembre 2012 dans la ville de Diéma par des groupes armés appartenant à Aqmi marque ce projet expansionniste des groupes radicaux violents. Selon le chercheur, les attaques survenues le 28 septembre 2021 contre un convoi de la gendarmerie nationale qui escortait une entreprise minière illustrent l’intention des groupes terroristes à donner l’impression de contrôler tout le Mali. Dr Aly Tounkara estime que des régions telles que Nara, Diéma et Koulikoro ne connaissent pas la menace terroriste au même degré que celles du Centre et du Nord. Mais il fait remarquer que cette situation d’insécurité résiduelle ne doit pas occulter l’existence de signaux très inquiétants quant à un possible basculement des régions du Sud et d’Ouest vers un cycle de violences inouïes.

Dr Tounkara rappelle que les zones de Diéma, Didiéni, Nioro et les localités frontalières à la forêt de Wagadou ont connu par moments et par endroits des incursions des groupes terroristes. Il souligne d’ailleurs que la forêt de Wagadou est étiquetée d’abriter des groupes terroristes et des narcotrafiquants. Cependant, il estime que les leviers d’endoctrinement seraient marginaux, car ces régions sont des zones de départ par excellence des migrants où les besoins fondamentaux des populations sont en grande partie satisfaits par la diaspora fortement présente en Europe et en Afrique centrale. De même, il précise que l’activité économique n’est pas autant ethnicisée comme elle l’est dans les régions du Centre où l’élevage est dominé par des communautés nomades et l’agriculture par des sédentaires. Dr Aly Tounkara fait remarquer aussi que les régions de Diéma et de Nioro sont des réservoirs d’élèves issus de l’école coranique dont la plupart sont laissés pour compte. Et ces « parias »de la société pourraient grossir le rang des groupes radicaux violents si des mesures urgentes d’insertion professionnelle ne sont prises à leur égard.

Pour lui, il n’est pas exclu d’assister à des attaques sporadiques sur l’axe Bamako-Kayes et même au-delà. Egalement, il précise que l’esclavage est officiellement aboli mais  la région de Kayes est sur toutes les lèvres comme championne dans les pratiques esclavagistes. Le chercheur prévient que l’exclusion d’un pan entier de la communauté au nom des pratiques culturelles, pourrait être instrumentalisée dans la durée par les groupes radicaux violents comme facteur d’enrôlement des victimes des pratiques esclavagistes et d’autres formes de discrimination dans un souci de se venger de leurs prétendants maîtres esclavagistes ou du système social. Une autre crainte qu’il a évoquée est qu’en cas de poursuite ou d’offensive des forces de sécurité et de défense, ces groupes n’auront d’autre alternative que de se replier sur la Mauritanie ou le Sénégal. Toute chose qui ouvrirait un chapitre nouveau dans l’insécurité au Sahel.

Face à cette situation, Dr Aly Tounkara pense que les mesures de prévention à l’endroit des populations doivent être engagées en toute urgence par l’État à travers des campagnes de sensibilisation et d’information sur les leviers à partir desquels, les terroristes arrivent à grossir leurs rangs. Il pense aussi que la réaffirmation de l’utilité de l’État par des comportements exemplaires des agents de l’État et le soulagement des souffrances des populations par la délivrance des services sociaux de base de qualité et de quantité, reste la meilleure arme pour prémunir une éventuelle extension de l’action terroriste sur ces possibles foyers du terrorisme.

La Nouvelle Voie du Mali