Les 25, 26 et 27 juillet derniers, les Forces armées maliennes (FAMa) ont subi des attaques de la part d’une coalition terroriste à Tinzaouatène à la frontière algérienne. Elles ont causé un nombre important de pertes en vies humaines et matérielles selon un communiqué de l’état-major général des Armées. Des informations ont circulé sur un éventuel soutien extérieur aux terroristes. Elles seront confirmées par des officiels ukrainiens qui ont ouvertement reconnu le soutien de leur pays aux terroristes responsables de ces attaques contre l’Armée malienne. Dans un entretien qu’il nous a accordé, Dr Aly Tounkara, expert sur les questions de défense, de sécurité et de paix au Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) livre son analyse sur cette nouvelle donne dans la crise sécuritaire au Mali et au Sahel de façon générale.
Le spécialiste pense que l’entrée de l’Ukraine le conflit à Tinzawatène prouve à combien la crise que connait le Mali depuis 2012 va au-delà de ses frontières en termes d’interférence des puissances occidentales notamment européennes et même asiatiques. Pour Dr Aly Tounkara, ce qui est évident, au-delà de la plainte formulée par le Mali et le Niger auprès du Conseil de sécurité, c’est que la compétition géopolitique entre les puissances occidentales est tout à fait observable dans ce dossier. Il soutient que cette immixtion de l’Ukraine dans la crise malienne prouve à suffisance que les groupes terroristes bénéficient du soutien des Etats qui passent le plus clair de leur temps à brandir les fondamentaux de la démocratie et les droits de l’Homme. Il dira qu’au bout du compte, la compétition n’est que financière, géopolitique et géostratégique.
Pour le chercheur, la décision du Niger de rompre ses relations diplomatiques avec l’Ukraine est une manifestation de la solidarité de ce pays vis-à-vis du Mali dans le cadre de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). Selon lui, l’abstention du Burkina Faso était inattendue. Toutefois, il dira que la conduite diplomatique varie d’un Etat à un autre. Mais cela n’entame en rien l’efficacité et la pertinence des outils qui sont déjà mis en place par les trois Etats de l’AES. A ce propos, Dr Aly Tounkara a rappelé que la diplomatie n’a jamais été désintéressée. « Chaque Etat, au-delà des ensembles sous-régionaux et régionaux s’efforcerait à tirer son épingle du jeu », a-t-il expliqué. Il estime qu’au même moment, si l’on regarde l’apport du Burkina Faso sur le plan militaire à Tinzaouatène comparativement au Niger, on se rend compte que le pays du Capitaine Ibrahim Traoré était plus aux côtés des Forces armées maliennes (FAMa) que le Niger. Pour lui, les trois pays, avant même la création de l’Alliance des Etats du Sahel, avaient déjà rendu la mutualisation des efforts tant sur le plan matériel qu’humain opérationnelle et fonctionnelle. De ce fait, il trouve que la création de l’AES n’est qu’une continuation des efforts déjà entrepris par les trois Etats. Aly Tounkara a rappelé qu’avant le coup d’Etat au Niger, il n’y avait pas de patrouilles ou d’actions militaires conjointes avec l’Armée nigérienne. De même, avant que le Capitaine Ibrahim Traoré n’arrive au pouvoir au Burkina Faso, les actions militaires conjointes entre le Mali et ce pays avaient été suspendues sous le président Damiba. « Les trois présidents à la tête de ces trois Etats ont non seulement la même vision de l’offre et de la demande de sécurité, mais dans le même temps, ils sont parvenus à dissiper les clichés, les préjugés et même aller au-delà des interférences des Etats outre que sahéliens », a analysé Dr Tounkara. Ces interférences, soutient-il, ont eu par moment et par endroits, des impacts tout à fait négatifs sur les capacités de coopération et de mutualisation des efforts des trois Etats. D’après lui, aujourd’hui que ce soit la crise des régions dites Nord du Mali, de même que certaines patrouilles conjointes dans le Liptako Gourma en passant par les affrontements à Tinzaouatène, les trois Armées sont cohérentes et constantes dans le soutien mutuel.
F. Sissoko