Niger : L’intervention militaire de la Cedeao se précise-t-elle ?

Le 26 juillet dernier, un groupe d’officiers de l’Armée nigérienne réunis au sein du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a renversé le président Mohamed Bazoum. Ces militaires ayant pris le pouvoir ont annoncé la suspension de toutes les institutions de la VIIème République.

Face à cette situation politique au Niger, la Cedeao et l’Uemoa ont tenu des sommets extraordinaires le 30 juillet à Abuja au Nigeria. La Cedeao a rappelé son principe de tolérance zéro pour les changements anticonstitutionnels de gouvernements tel qu’inscrit dans les protocoles de l’organisation, de l’Union africaine et d’autres instruments. L’organisation sous-régionale a réaffirmé que Mohamed Bazoum demeure le chef d’Etat légitime élu du Niger reconnu par la Cedeao, l’Union africaine et la communauté internationale. Avant de prendre plusieurs sanctions avec effet immédiat contre ce pays notamment la fermeture des frontières terrestres et aériennes entre les pays de la Cedeao et le Niger, l’établissement d’une zone d’exclusion de la Cedeao pour tous les vols commerciaux à destination ou en provenance du Niger, la suspension de toutes les transactions commerciales et financières entre les Etats membres de la Cedeao et le Niger, le gel de toutes les transactions  de service y compris les services publics, le gel des avoirs du Niger dans les banques centrales de la Cedeao, des avoirs de l’Etat nigérien ainsi que de  ses entreprises  publiques et parapubliques logés dans ces banques. Mais aussi, la suspension de ce  pays de toutes formes d’assistance financière et de transactions avec toutes les institutions financières notamment la BIDC et la BOAD, l’interdiction de voyage et le gel des avoirs des officiers militaires impliqués dans la tentative de coup d’Etat. La Cedeao a même donné un ultimatum de sept jours aux militaires au pouvoir afin de libérer et restaurer le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions. A défaut de quoi, elle prévient qu’elle pourrait recourir à tout type de mesures y compris l’usage de la force.

En réaction à ces mesures, les gouvernements du Mali et du Burkina Faso, deux pays qui traversent aussi des périodes de transition, dans un communiqué conjoint publié lundi, ont exprimé leur solidarité au peuple du Niger.  Ils dénoncent la persistance des organisations régionales (Cedeao, Uemoa…) à prendre des sanctions aggravant la souffrance des populations et mettant en péril l’esprit de panafricanisme. Ils refusent d’appliquer ces sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériens. Avant d’avertir que toute intervention militaire contre le Niger s’assimilerait à une déclaration de guerre contre le Burkina Faso et le Mali. Ils préviennent  que toute intervention militaire au Niger entrainerait un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cedeao ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux Forces armées et au peuple du Niger. Les deux gouvernements mettent en garde contre les conséquences désastreuses d’une intervention militaire au Niger qui pourrait déstabiliser l’ensemble de la région comme l’a été l’intervention unilatérale de l’Otan en Lybie qui a été à l’origine de l’expansion du terrorisme au Sahel et en Afrique de l’ouest.

La Guinée aussi s’est, dans un communiqué, désolidarisée des sanctions infligées contre le Niger. Elle dit s’abstenir d’appliquer ces sanctions illégitimes et inhumaines contre le peuple frère et les autorités nigériennes et exhorte la Cedeao à revenir à de meilleurs sentiments.

Echec de la voie diplomatique ? Invité comme observateur au sommet extraordinaire de la Cedeao sur la crise politique au Niger, le président tchadien, Mahamat Idriss Déby Itno a été nommé émissaire du président en exercice de cette organisation sous-régionale. Selon des sources diplomatiques, sa désignation s’expliquerait par son statut de président en exercice de la Commission du Bassin du Lac Tchad auquel appartient le Niger et par l’histoire qui lie ces deux pays voisins.

Mahamat Idriss Déby Itno s’est  rendu à Niamey où il a rencontré les différentes parties pour trouver une issue pacifique à la crise au Niger. Il était porteur des exigences des dirigeants ouest-africains aux nouvelles autorités. Il s’agit du retour à l’ordre constitutionnel dans un délai de sept jours ainsi que la libération immédiate du président Bazoum et de sa famille. Au cours de sa visite à Niamey, l’émissaire de la Cedeao a rencontré le général Abdourahamane Tchiani, chef des putschistes, le président déchu Mohamed Bazoum et l’ancien président Issoufou Mahamadou. L’objectif de cette mission était de trouver une issue favorable à cette crise.

Cette mission considérée comme une réussite pour certains parait plutôt comme un échec pour d’autres. Car au lendemain de cette visite, une délégation des militaires putschistes s’est rendue au Mali et au Burkina Faso, les deux pays qui ont clairement exprimé leur soutien aux nouvelles autorités nigériennes. Après cette mission qui n’a pas produit les résultats escomptés, le comité des chefs d’état-major de la Cedeao est en  réunion extraordinaire sur la situation politique au Niger depuis ce mardi à Abuja au Nigeria.

La ministre sénégalaise des Affaires étrangères a, au cours d’une conférence de presse, annoncé que son pays va prendre part à cette intervention militaire. Les autorités ivoiriennes, à l’issue d’une réunion du Conseil national de securité tenue ce mardi, ont autorisé le chef d’état-major des Armées à prendre part à l’élaboration du plan d’opération pour une éventuelle intervention militaire de la Cedeao au Niger visant à rétablir l’ordre constitutionnel.

D’autres pays comme la Guinée Bissau, la Gambie, le Liberia, la Sierra Leone, le Benin, le Nigeria et le Ghana seraient aussi dans l’optique de prendre part à cette intervention militaire qui vise à rétablir Mohamed Bazoum dans ses fonctions de président de la République du Niger.

La Nouvelle Voie du Mali